Le titre est fort, et l’affiche peut sembler parler d’elle-même : une étoile de David en guise de point, une pièce plongée dans l’obscurité, et un halo jaunâtre s’échappant d’une trappe entrouverte laissant deviner une Histoire connue. Quant aux premiers mots du synopsis, ils ne font que que confirmer cette impression : “Paris, 1942. le port de l’étoile jaune pour les Juifs est décrété”. Et pourtant…
Le rideau se lève sur un discours profondément antisémite du capitaine Paul Sezille, secrétaire général de l’Institut d’études des questions juives. Avec les mesures de plus en plus sévères adoptées à l’encontre des israélites de France, le bijoutier Joseph Haffmann, au même titre que des milliers d’autres, a interdiction d’exercer et se retrouve contraint à entrer en clandestinité. Si son épouse Rachel et leurs quatre enfants ont déjà gagné la Suisse, lui a choisi de demeurer à Paris.
Afin de conserver son commerce – et implicitement un oeil sur ses affaires -, Joseph Haffmann demande à son employé Pierre Vigneau de gérer provisoirement la bijouterie à sa place, et de le cacher dans sa cave en attendant que la situation s’améliore.
D’abord hésitant, Pierre finit par accepter, mais à une condition. Depuis trois ans, lui et son épouse Isabelle essaient d’avoir un enfant, un projet que la stérilité du jeune homme rend impossible. Ensemble, ils vont alors conclure un pacte aussi étrange qu’inattendu.
Avec pour seule compagnie une toile de Matisse provenant de la galerie Rosenberg, Joseph Haffmann va vivre éclairé par une bougie, ou par la faible lueur d’une lucarne de laquelle il doit se tenir à bonne distance pour ne pas risquer d’être vu, tandis qu’au rez-de-chaussée, Pierre oeuvre à faire croître le commerce. Ce qu’il fait parfaitement d’ailleurs. Peut-être un peu trop même…
Si par temps de guerre, les français achètent du pain et du sucre plutôt que des colliers ou des montres, les créations de l’artisan propulsé artiste attirent les plus hauts dignitaires allemands, à commencer par Otto Abetz, ambassadeur du Reich à Paris, et son épouse Suzanne.
Sans parler qu’elles améliorent considérablement le train de vie du jeune couple, qui peut alors s’offrir café, viande et vins rares. Une ascension sociale risquée au regard de la situation…
Le courage sera-t-il plus fort que la peur ?
Avec Adieu Monsieur Haffmann, inspirée d’une histoire vraie, Jean-Philippe Daguerre signe ici un texte aux faux-airs de scénario de film, porté par une mise en scène sobre, presque minimaliste, posant les bases essentielles de chacun des deux univers.
« J’ai voulu une parole forte et vive qui circule à travers des comédiens puissants et généreux qui transpirent le plaisir de transmettre cette histoire jusqu’au fond de la salle. »
Jean-Philippe Daguerre..
Pari gagné ! La salle est comble, et le public emporté par le talent des très bons comédiens que sont Grégory Baquet, vu récemment au théâtre la Bruyère dans Les cavaliers, de Joseph Kessel, Julie Cavanna, Alexandre Bornstein, qui incarne un Monsieur Haffmann timide et fragile, Franck Desmedt, sans oublier l’excellente Charlotte Matzneff, pétillante et adorablement excessive sous les traits de Suzanne Abetz.
A ne pas manquer !
Adieu Monsieur Haffmann, à partir du 3 septembre au théâtre de l’Oeuvre.
Merci beaucoup pour votre commentaire. Nous sommes heureux que vous ayez aimé 🙂
A bientôt.
» Adieu Monsieur Haffmann »
Une pièce lumineuse malgré la noirceur du sujet….La persécution des juifs dans la France occupée…
Les acteurs, sobres, expriment avec talent la complexité humaine…
rare qu’il passe de pareil joyaux à la télévision…
J’ai adoré…