L’annonce en question est une peinture à l’évidence du XVIIème siècle, sur laquelle une vierge se détourne de l’ange Gabriel pour enlacer un pilier au centre de la pièce.
L’anecdote s’inspire d’une fresque d’Ambrogio Lorenzetti, un artiste siennois du XIIIème, mais tout, dans la lumière ambiante, dans le regard des personnages, dans leurs gestes, les tons, le décor, la facture, tout trahit l’auteur de la toile : Johannes Vermeer lui-même. Et cette « Annonce » de Vermeer est proposée, un jour de 1940, au ministre du Reich Herman Goering. Pour posséder un tel chef d’œuvre, ce dernier est disposé à se dessaisir de trente toiles de ces peintres qu’il considère comme étant des dégénérés : Picasso, Modigliani, Soutine, et d’autres…
Oui mais tout ceci n’est qu’une supercherie : la toile dont il est question a été réalisée par un certain Van Megeren. Cet homme est un génie : non content d’être un excellent faussaire, il ne recopie pas les œuvres des maîtres du passé, il en crée de nouvelles. Après avoir récupéré et gratté d’authentiques toiles anciennes, après avoir broyé des pigments qu’il mélange à de la résine synthétique, Van Megeren crée, de toutes pièces, des Vermeer.
L’opération est menée par un certain Werner Burckhardt qui atteste, en tant que spécialiste, de l’authenticité de l’œuvre. Avant la guerre, Werner Burckhardt enseignait la peinture à l’université. Seules les obligation de la conscription militaire l’ont mené à servir dans les rangs de l’armée allemande. Il est lieutenant de vaisseau à bord d’un U+boot mais Goering, prévenu de ses compétences, l’a fait venir à Paris pour l’aider à constituer sa collection de chefs-d’œuvre qu’il compte ensuite ramener en Allemagne.
Ni Werner Burckhardt, ni sa sœur Hildegarde ne sont nazis. Et pourtant, les circonstances vont les mener à servir Hitler : Werner en tant que lieutenant de vaisseau et Hildegarde en tant qu’espionne auprès du comte Galeazzo Ciano, le gendre de Mussolini.
Et pourtant, Werner n’a rien de commun avec les nazis. Lors de son séjour à Paris, il va tomber amoureux fou de Claire Wildenstein, fille d’un marchand d’art juif ; avec elle, il va s’efforcer de sauver des toiles condamnées à la destruction. Et sa propre épouse va s’avérer être juive. Werner fera partie de ceux qui tentèrent, en vain, d’éliminer Hitler par un attentat.
L’annonce faite à Goering est un texte d’une redoutable efficacité. Derrière son apparence de récit d’espionnage à la John Le Carré ou de suspense à la Stephen King, à travers son lot de rebondissements inattendus, de traitrises retorses ou de fidélités éprouvées, ce roman nous dresse le portrait de tous ceux qui, pris dans le grand maelstrom de la Seconde Guerre mondiale, ne furent ni des héros ni des vendus, ni de purs esprits ni de sinistres crapules, mais des êtres humains avec ce que cela implique de compromissions et d’espoirs.
Ce roman mêle les personnages réels — telle Rose Valland qui, assistante de conservation au Jeu de Paume, mena un admirable travail de compilation afin de pouvoir identifier les œuvres après la guerre —, et de personnages à la limite de la fiction — Hildegarde Burckhardt fut bien espionne durant la guerre.
Tous participent de ce tableau captivant du « temps des malheurs qui nous recouvrent comme un linge sombre ».
L’annonce faite à Goering : quand l’Histoire se lit comme un roman.
L’annonce faire à Goering, de Jean-Pierre Cabanes, aux éditions Albin Michel. 400 pages. 22,90€.
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