« Cindy Sherman, une rétrospective. 1975-2020 », à la Fondation Louis Vuitton

Cela faisait longtemps qu’on l’attendait. Quinze ans exactement, depuis la dernière grande exposition au Jeu de Paume, en 2006. C’est donc aujourd’hui un événement que de retrouver l’oeuvre de la photographe américaine Cindy Sherman en France, et dans un cadre plus qu’exceptionnel : celui de la Fondation Louis Vuitton.

Présentés sur deux niveaux de l’institution du Jardin d’acclimatation, ce sont pas moins de 170 oeuvres qui se donnent à voir pour cette grande rétrospective couvrant quarante-cinq ans d’une carrière exceptionnelle.

Cindy Sherman, c’est avant tout un visage. Et pas n’importe lequel : le sien. Depuis sa plus tendre enfance — où déjà le jeu du “déguisement” prévalait — jusqu’à ses travaux les plus récents, on a l’impression que c’est avec nous, spectateurs, qu’elle a passé cette demie-décennie. Comme une sorte de relation exhibitionniste/voyeur. Pourtant, c’est vêtu de tenues tantôt chics tantôt ridicules, et dissimulée derrières des couches de maquillages que Cindy Sherman s’offre à nous. Alors est-ce vraiment elle ? Est-ce vraiment Cindy Sherman, ou bien un clown, une demi-mondaine de la côte Ouest, un indigent, une actrice hollywoodienne déchue en mal de notoriété ?

Si un certain nombre d’oeuvres ont déjà pu être vues au Jeu de Paume en 2006, les plus récentes — dont certaines jamais encore montrées — sont ici exposées, de la série Society Portraits datant de 2008 jusqu’à Flappers, réalisée en 2019-2020, sans oublier une sélection de ses archives personnelles.

Et comme si le papier, l’épreuve chromogène ou encore l’impression sur métal ne lui suffisaient plus, l’artiste a également innové avec un support tout aussi original qu’inattendu : la tapisserie. Alors que cette technique renvoie inévitablement aux siècles passées et aux veilles demeures glaciales pour lesquelles elles étaient confectionnées, Cindy Sherman mêle les technologies, et s’approprie l’art de la tapisserie pour décliner certains de ses propres selfies Instagram, rendant ainsi l’éphémère pérenne. Mais comme à son habitude, loin de l’actuel et pathétique culte de la beauté et de la personnalité, c’est pour s’enlaidir qu’elle utilise la batterie d’applications mise à notre disposition, de Photoshop à Perfect 365. Grotesque, caricatural… et superbe !

Au fil d’un parcours chronologique à la scénographie ambitieuse et intelligente par ses jeux de miroir, le noir et blanc et le petit format des premières années cède peu à peu le pas aux monumentaux portraits en couleurs qui ont fait d’elle une icône.

Des premières oeuvres des années 70 à la série History Portraits, dans laquelle elle réinterprète la peinture occidentale classique, des extravagants et loufoques portraits de Clowns jusqu’à Men, Cindy Sherman est à l’origine d’une galerie de près de six cents portraits, aujourd’hui exposés dans les grands musées du monde. Un parcours artistique exceptionnel pour lequel elle est tout à la fois modèle, habilleuse, metteur en scène, costumière, maquilleuse et bien sûr photographe.

Cindy Sherman, une rétrospective. 1975-2020 est également l’occasion pour la Fondation Louis Vuitton de présenter une soixantaine d’oeuvres de l’artiste issues de ses propres collections, mises en regard avec Crossing Views, le nouvel accrochage choisi en écho avec Cindy Sherman : Louise Bourgeois, Damien Hirst ou encore Andy Warhol, artiste de référence pour la photographe.

Cindy Sherman, une rétrospective. 1975-2020, jusqu’au 3 janvier 2021 à la Fondation Louis Vuitton.

Si vous désirez aller plus loin :

Cindy Sherman, une rétrospective. 1975-2020, le catalogue de l’exposition, aux éditions Hazan. 240 pages. 35,00€.

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