Créée par ordonnance royale de François Ier au début du 16ème siècle, la ville du Havre devait devenir le second port de la capitale, Paris. Enrayée par les guerres de religion et divers autres conflits, ce n’est qu’à partir du siècle suivant que celui-ci connait un certain essor économique, à la fois grâce à l’importation de produits exotiques en provenance d’Amérique, mais aussi à la traite négrière.
Au milieu du 19ème siècle est inaugurée la première ligne de chemin de fer reliant la ville normande à Paris, avec pour effet d’attirer un flot incessant de bourgeois en quête de culture – le musée du Havre a ouvert ses portes deux ans plus tôt, en 1845, de bains de mer, mais aussi d’artistes, peintres ou photographes à la recherche de nouveaux sujets.
Tandis que se développent parallèlement aux activités commerciales les secteurs industriels et bancaires, des fortunes se créent, et avec eux des projets dont certains laisseront une trace indélébile sur le monde des arts.
En 1906, avec pour ambition de promouvoir l’art moderne au Havre et favoriser le dialogue entre les arts, trois artistes – Georges Braques, Raoul Dufy et Emile Othon-Friesz, et six amateurs d’art et collectionneurs – Olivier Senn, Charles-Auguste Marande, Pieter Van der Velde, Georges Dussueil, Oscar Schmitz et Edouard Lüthy, s’associent et créent le Cercle de l’Art Moderne. Et pour ajouter encore au prestige de l’association, ses parrains ne sont autres que Claude Debussy et Guillaume Apollinaire.
Si parmi tous ces collectionneurs, l’avocat Olivier Senn reste le plus connu – son mariage avec la fille d’Ernest Siegfried, à la tête d’une compagnie d’importation de coton, lui apportera fortune et renommée, Charles-Auguste Marande, avec qui il travaillera d’ailleurs, ainsi que ses autres associés n’en demeurent pas moins essentiels dans la (trop) brève histoire de l’association.
De 1906 à 1910, le Cercle de l’Art Moderne organise quatre expositions, lors desquelles auront été présentées deux-cent soixante-douze tableaux, représentant dans leur ensemble toute la richesse et la diversité artistique de ce début de siècle. Si celles-ci sont pour les amateurs et collectionneurs l’occasion d’acquérir des œuvres de jeunes artistes, la majeure partie de leurs acquisitions se fait cependant à Paris, par l’intermédiaire des grands marchands d’art que sont Berthe Weill, Bernheim-Jeune ou Daniel-Henry Kahnweiler, à qui Charles-Auguste Marande achètera d’ailleurs la superbe Parisienne de Montmartre, de Kees van Dongen.
A l’instar de Marande, Georges Dussueil et Pieter Van der Velde admirent Eugène Boudin – Van der Velde possèdera jusqu’à trente-sept toiles du peintre normand, Kees van Dongen, mais aussi le tout jeune Henri Matisse, comme les Stein d’ailleurs. Olivier Senn quant à lui apprécie plus volontiers Gustave Courbet, Eugène Delacroix, Henri-Edmond Cross, Edgar Degas, et jusqu’à certains postimpressionnistes. De 1900, année où il acquiert ses premières œuvres, jusque dans les années 30, Senn rassemblera plus de deux cents œuvres, dont le Portrait de Nini Lopez d’Auguste Renoir, ou La Valse de Félix Vallotton.
Face à l’éloignement géographique de ses artistes-fondateurs et une concurrence internationale de plus en plus féroce, le Cercle de l’Art Moderne est dissolu en 1910, après seulement quatre années d’existence. Si les collections d’Olivier Senn et Charles-Auguste Marande ont été préservées et sont aujourd’hui conservées au musée Havre, les autres furent dispersées au fil des décennies.
A travers quatre-vingt-dix œuvres d’une trentaine d’artistes – Claude Monet, Edouard Vuillard, Amadéo Modigliani, Camille Pissarro, etc., le Musée du Luxembourg nous replonge dans le destin hors-norme de ces collectionneurs de début de siècle.
Le cercle de l’art moderne. Collectionneurs d’avant-garde au Havre, du 19 septembre 2012 au 6 janvier 2013. Tarifs, horaires et réservations sur le site du Musée du Luxembourg.
Si vous désirez aller plus :
– Le Cercle de l’art moderne : Collectionneurs d’avant-garde au Havre, hors-série Beaux Arts Magazine.
– Le cercle de l’Art moderne, catalogue de l’exposition aux éditions RMN. 224 pages. 15,00€.
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