« Le dernier des juifs » de Noé Debré : banlieues, partir ou rester ?

2023. Dans une banlieue de région parisienne, Bellisha, 27 ans, vit avec sa mère Gisèle. Après le départ de la quasi-totalité des juifs de la cité, la synagogue a fermé ses portes, et le dernier épicier casher est lui aussi en train de baisser le rideau.

Sans réelle compétence, menteur invétéré, Bellisha passe ses journées à errer dans le quartier, des allées du marché au bistrot du coin. Pour ne pas décevoir sa mère, et ne trompant que lui-même, il lui cache l’antisémitisme ambiant et s’invente une vie de « winner » dans laquelle il suit des cours de krav-maga depuis plusieurs années, évidemment entraîné par un champion israélien. Quant à son travail de représentant en pompes à chaleur, c’est un carton total, et les contrats se succèdent. Pour Bellisha, mentir est une seconde nature.

Gisèle quant à elle est déterminée et n’a qu’une chose en tête : partir. Elle en est persuadée, que ce soit son groupe WhatsApp ou i24News, tous sont d’accord sur ce fait : Bellisha et elle doivent quitter ce quartier. Où s’installer n’a pas forcément d’importance. Peut-être à Saint-Mandé, il parait que les juifs y sont bien.

Gisèle ne met plus les pieds dehors, mais elle est convaincue que les nouvelles en provenance d’Israël se déroulent au pied de leur immeuble.

« Parfois, Giselle articule un racisme anti-arabe qui ressemble à de l’antisémitisme, comme quand elle affirme que « tous les médecins sont arabes, ils s’entraident… ». Elle utilise les vieux clichés antisémites contre d’autres et je trouve ça plutôt comique. C’est juste du discours, du langage […] quand elle sort dans la rue, elle se dit que « c’est quand même sympa de vivre avec les Arabes, on se sent chez nous ». Je cherchais à capter ça avec Gisèle : ces gens qui tiennent des discours et n’ont aucun problème à être complètement contradictoires, comme si tout ça n’était que des mots sans importance. C’est très juif : on jette des mots, on dit le contraire de ce qu’on affirmait cinq minutes avant, et finalement, tout ça n’est pas grave. »

Noé Debré, réalisateur.

Jumelée avec la ville de Jénine, la ville s’inquiète cependant du départ des juifs et de son image. La municipalité multiplie donc les initiatives et les appels à la tolérance et à la fraternité, quitte à sombrer dans le cliché. Au côté d’un imam et d’un prêtre, dans une synagogue délaissée, c’est Bellisha qui jouera le juif de service, aussi à l’aise dans son rôle d’ambassadeur et qu’il ne l’est dans son activité de représentant en pompes à chaleur.

Mais lorsque Gisèle tombe malade, Bellisha va entretenir l’illusion d’un déménagement imminent, comme une ultime motivation pour elle.

Premier long-métrage de Noé Debré après une longue carrière en tant que scénariste, Le dernier des juifs a été projeté en avant-première le mardi 23 janvier au cinéma L’Escurial, dans le cadre de la quatrième édition du festival Dia(s)porama.

Le dernier des juifs, actuellement en salle.

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