« L’épaisseur des rêves », Marc Chagall à La Piscine de Roubaix

Après l’exposition Marc Chagall et la céramique en 2007-2008, la Piscine de Roubaix dévoile aujourd’hui un autre aspect méconnu de l’artiste russe.

Avec des œuvres mettant en lumière son travail du volume, ses céramiques, ses travaux de terre et un grand nombre de sculptures, L’épaisseur des rêves s’inscrit dans la programmation que la Piscine consacre depuis quelques temps à la sculpture du 20ème siècle.

Il aura fallu cinq années pour mettre au point cette exposition, réalisée en partenariat avec le musée de Dallas, et rassemblant plus de 220 œuvres, dont certaines sont présentées au public pour la première fois depuis des années. Chagall étant un peintre très demandé, chacune des expositions lui étant consacrée se trouve être un événement.

La céramique a en effet occupé une grande partie de la vie de Marc Chagall, et est en lien permanent avec le reste de son travail et de sa vie d’artiste. Là où l’on a tendance à ne le connaître que pour ses travaux d’à-plats, l’emblématique Double portrait au verre de vin accueille le visiteur dès l’entrée de l’exposition, mais aussi Solitude, ou la série des Cantique des Cantiques pour ne citer que quelques-uns des plus connus, il s’impose également dans un travail de volume à-travers céramiques, sculptures, costumes ou encore décors.

La Révolution russe de 1917 aura un impact indélébile sur Chagall, tout comme sur les Juifs de Russie. Cet événement marquera à la fois sa vie d’homme et sa vie d’artiste. Jamais il ne s’éloignera de cette Russie qui l’a vu naître. En plus des sujets qui lui sont chers – animaux fantastiques, couples, voyages céleste, on retrouve dans de nombreux travaux la fameuse palissade de bois de Vitebsk, qu’il voyait depuis la fenêtre de sa chambre.

Très tôt, il se passionne pour le théâtre d’art Juif, et collabore volontiers à la création de rideaux, de costumes, ou encore de décors, comme ce fut le cas dans trois pièces de Cholem Aleikhelm – Les agentsLe mensonge et Mazel tov. De nombreuses études et dessins préparatoires de cette étroite collaboration sont présentés dans le parcours de l’exposition.

Réfugié en France, il obtient en 1937 la nationalité française. Se croyant à l’abri des persécutions nazies, il est finalement obligé de quitter la France pour les Etats-Unis, et débarque à New York en 1941, accompagné d’une grande partie de ses œuvres. Dans la mégapole américaine, il retrouve une scène artistique française vivante et animée qui s’est déplacée, mais aussi une importante communauté russe. C’est là qu’il décide de monter la pièce Les Tsiganes, de Tchekhov. Mais pour des raisons financières, et les règles strictes imposées par les syndicats, la production est finalement déplacée au Mexique, à Mexico City.

Marc Chagall et sa femme Bella quittent donc les Etats-Unis pour le Mexique, une nouvelle étape qui marquera l’artiste et son œuvre. Bien que l’esprit de son travail soit indéniablement russe, l’influence maya et pré-hispanique est plus que palpable. Des crânes apparaissent sur le pantalon d’un costume – au total quatre ou cinq costumes sont directement inspirés de motifs pré-hispaniques, et il est intéressant d’observer certaines études préparatoires habilement confrontées par exemple aux vert et noir d’une statuette « kadchina ». De cette époque, on peut presque parler d’un Chagall amérindien. Au total, ce sont une quinzaine de costumes des ballets russes de 1942 qui sont présentés aux visiteurs. Après avoir été entreposés durant des années dans les réserves du Ballet Theater de New York, ils ont été nettoyés et restaurés, et sont ici présentés pour la quatrième fois seulement depuis 1991, date de leur première exhibition à Mexico City. Un film muet montrant une des représentations de l’époque est également projeté afin d’enrichir l’espace consacré à cette période.

De retour en France, après la Libération, Marc Chagall s’installe dans la région de Saint-Paul de Vence, et se consacre à la sculpture. Intéressé par la variété des matériaux durs, presque toutes ses œuvres ont été travaillées en pierre de cette région – marbre, pierre rose, pierre de Rognes, qu’il se faisait livrer spécialement. Parmi les rares exceptions, La Colline, réalisée dans un bloc de pierre rose provenant de Jérusalem. Ce travail de sculpture l’aide incontestablement à mieux appréhender l’espace pictural de ses à-plats, à mieux comprendre l’espace et le volume.

Enfin, les dernières étapes du parcours comportent un espace consacré à son travail en noir et blanc – gouaches, encres de Chine, dessins des années 50 et 60, sept études préparatoires pour le plafond de l’opéra de Paris, commande d’André Malraux – parmi lesquelles l’étude définitive de 1963, et dont certaines contiennent des collages, au même titre que ceux présentés dans la toute dernière salle, très rarement présentés, et réalisés alors qu’il était presque centenaire.

Chagall, l’épaisseur des rêves, jusqu’au 13 janvier à la Piscine de Roubaix.

Si vous désirez aller plus loin :

Le petit dictionnaire Chagall en 52 symboles, aux éditions RMN.
Chagall, la biographie complète, par Jackie Wullschläger.
Chagall : L’épaisseur des rêves, le catalogue de l’exposition.

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