La gare de Pithiviers, un nouveau lieu de Mémoire pour le Mémorial de la Shoah

Aucun lieu au monde, peut-être, ne prête autant au rêve qu’une gare. Une gare, c’est toute une promesse, promesse d’escapades, de vacances et d’un ailleurs estival et ensoleillé…

Et pourtant, entre 1941 et 1942, deux gares du Loiret, Pithiviers et Beaune-la-Rolande, furent synonymes de cauchemars pour 16.000 hommes, femmes et enfants qui, pour seul crime, avaient commis celui de naître juifs.

Les gares en question avaient été choisies avec soin par le régime nazi : il leur fallait des petits coins de campagne sans histoire, des petites banlieues tranquilles sans sursauts, mais qui ne fussent pas non plus trop éloignées des grands centres stratégiques. Rester discret tout en se montrant efficace, silencieux mais rentable.

Déjà, dès le début de l’occupation, Drancy avait été sélectionné parce que distante de Paris de seulement quinze kilomètres ; Pithiviers et Beaune-la-Rolande sont à vingt minutes à peine d’Orléans. Et puis, il leur fallait des endroits bien situés dans le réseau ferroviaire de façon à pouvoir acheminer directement les convois vers leur but ultime : Birkenau.

Et c’est ainsi que Pithiviers et Beaune-la-Rolande, durant les heures noires de l’occupation, quittèrent leur statut d’anonymat rural pour devenir des carrefours vers la mort.

Dans le cadre historique de l’ancienne gare de Pithiviers, désaffecté depuis 1969, rénovée, blanchie et épurée pour l’occasion, s’ouvrira prochainement « un nouveau musée, lieu de mémoire et d’éducation sur l’histoire de la Shoah », principalement consacré à cet épisode sombre.

Cette initiative était nécessaire. On se souviendra qu’après la guerre, la vie avait repris, sans questionnements ni heurts : les trains roulaient à nouveau, les voyageurs se bousculaient aux guichets pour bénéficier de leurs congés payés. Sur la façade de la gare de Pithiviers, une seule plaque avait été érigée, celle consacrée à la Mémoire des agents de la SNCF tués par faits de guerre. Il fallut attendre les années 90 et l’intervention de Serge Klarsfeld pour qu’une nouvelle plaque vienne rappeler « la mémoire des milliers d’enfants, de femmes et d’hommes juifs qui de mai 1941 à septembre 1942 passèrent par cette gare et par le camp d’internement de Pithiviers avant d’être déportés vers le camp d’extermination d’Auschwitz où ils furent assassinés ».

La SNCF, qui est toujours, légalement, propriétaire des lieux, a apporté son précieux concours à l’ouverture de ce lieu de Mémoire. Depuis le début des années 90, la SNCF s’efforce de retrouver documents et témoignages pour contribuer à la restauration de la vérité historique : on n’est plus dans l’épopée mythique — dans l’esprit de La bataille du rail, de René Clément —, on est depuis quelques décennies dans le relevé objectif des failles, des erreurs et, parfois, des monstruosités.

Car le musée de Pithiviers le rappelle : si les consignes venaient bien de l’occupant nazi, en revanche, il y eut parmi les fonctionnaires français, et, de façon générale, de la part du régime de Vichy, une obéissance aveugle à des ordres criminels.

Il y eut même, de la part des plus hautes autorités, la volonté de complaire à l’occupant en anticipant ses demandes : ainsi les 3.000 enfants juifs qui furent envoyés à Drancy, sur l’ordre express de Pétain lui-même, alors que les nazis ne les avaient pas réclamés. Les autorités, et plus particulièrement la police française, montrèrent un zèle écœurant pour plaire à l’ennemi fasciste.

Dans l’une des salles du musée, un étonnant reportage photographique, retrouvé récemment, nous en donne l’exemple : il s’agit de la fameuse rafle du 14 mai 1941 connue sous le nom de « rafle du billet vert ». Ce jour-là, le 14 mai 1941, 65.000 hommes avaient reçu une convocation sur un papier vert leur ordonnant de se présenter aux forces de police, pour une vérification d’identité. Entre autres, à Paris, dans le 10ème arrondissement, 3.700 d’entre eux se trouvaient au gymnase Japy. On voit sur les photos les épouses et familles inquiètes occupant les alentours du gymnase, et que des policiers français vont disperser au bout de quelques heures sous l’œil blasé des voisins penchés aux fenêtres. Les hommes convoqués seront ensuite conduits à la gare d’Austerlitz, et de là emmenés en train à Pithiviers. Ils ne reviendront jamais.

Sur le mur d’une autre salle sont présentées les lettres poignantes rédigées par des enfants à destination de leur famille, pour évoquer leur arrestation, leur emprisonnement, leurs conditions de vie : Adolphe Fuchs, Claire et Ethel Orloff, d’autres encore… Ils ont douze ans, treize ans, moins encore pour certains, et ils ont peur, atrocement peur de ces trains qui vont les mener vers le néant.

« En 1942, huit convois de 8.100 internés quittent les gares de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande à destination des camps d’Auschwitz-Birkenau. »

Il faut se souvenir, il faut le dire, et il faut aussi le transmettre afin que les jeunes générations, surtout lorsque tous les témoins directs de ces fait auront disparus, ne puissent plus ignorer la grande nuit tragique que fut Auschwitz.

Informations et réservations sur le site de la gare de Pithiviers.

Si vous désirez aller plus loin :

Sans oublier les enfants. Les camps de Pithiviers et de Beaune-la Rolande, d’Eric Conan, aux éditions Livre de Poche. 224 pages. 5,60€.
Après la rafle, de Joseph Weismann, aux éditions J’ai Lu. 288 pages. 7,50€.
Lettres d’un interné au camp de Pithiviers, de Kalma Apfelbaum, aux éditions Belin. 192 pages. 20,90€.
L’irréparable. Pithiviers, sur le chemin d’Auschwitz, de Philippe Pintaux, aux éditions L’Harmattan. 298 pages. 25,00€.

Et pour la jeunesse :

Après la rafle, roman graphique collectif, aux éditions Les Arènes. 123 pages. 21,00€.

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