La petite exposition du grand Musée d’Orsay alterne les toiles de la franco-israélienne Nathanaëlle Herbelin et quelques exemples – pas nécessairement les plus connus – des toiles Nabis qui influencèrent la démarche de celle-ci. Comment ne pas être influencé, bien entendu, par les torrents colorés de Pierre Bonnard, Edouard Vuillard et Félix Vallotton ?
Pourtant, lorsqu’on proposa à l’artiste une exposition sur le thème croisé de ses œuvres et de celles des Nabis, de son propre aveu elle eut le sentiment de subir la « Police des styles », c’est-à-dire qu’on venait lui demander des comptes pour toutes ces toiles que, durant des années, elle avait pour ainsi dire volées. Pas question de demander des comptes mais seulement de constater comment se jouent les influences, comment elles baignent l’origine même d’un labeur artistique.
A l’issue de l’exposition, un mur entier de toiles de petits formats voient se côtoyer Nathanaëlle Herbelin et les Nabis, les unes à côté, au-dessus, en dessous des autres, comme si chaque toile répondait à la voisine et anticipait la suivante dans un vaste dialogue de peintures entrecroisées. Les similitudes, certes, sont frappantes : une même attirance pour le corps féminin et sa volupté harmonieuse ; un même intérêt pour les épisodes de la vie quotidienne sous tous ses aspects, y compris les plus triviaux ; une même fascination pour les intérieurs de maison avec leurs perspectives les plus classiques mais aussi les plus surprenantes. Mais la jeune femme, née en 1989, creuse son propre sillon créatif. En dépit, ou au-delà des influences.
L’autoportrait de Nathanaëlle Herbelin qui nous accueille à l’entrée de l’exposition montre un visage agréable mais tout à la fois austère et cynique : comme si l’amertume était pondérée par l’amusement, jusque dans le sourire un peu figé. C’est que l’œuvre, même si, de fait, elle évoque les toiles de Bonnard, possède sa propre tonalité.
Être ici est une splendeur, le tableau qui donne son titre à l’exposition représente une femme enceinte, debout dans une baignoire, et se regardant elle-même dans un miroir. Le titre de la toile est une référence au livre de Marie Darrieussecq consacré à Paula Modersohn-Becker, la première femme dans l’histoire de la peinture occidentale à se peindre nue elle-même et, de plus, à se peindre enceinte alors qu’elle ne l’était pas.
Quelques mois plus tard, Paula Modersohn-Becker était, de fait, enceinte. Qui donc, sur la toile, éprouve ce sentiment d’être dans une splendeur ? La femme heureuse de se trouver dans ce lieu rassurant et agréable qu’est sa salle de bain ? Ou le fœtus encore à l’abri, à la fois dans le liquide maternel et dans la chaleur de ce lieu favorable ? Ou bien n’importe quel être humain conscient de la richesse fabuleuse de l’existence ? Même sentiment encore en 2004 dans Allaitement où une femme, allongée dans une baignoire, donne le sein à son bébé : mise en abîme de l’une comme de l’autre, le lait maternel et l’eau de naissance.
C’est ainsi que, d’une façon discrète et sans effets inutiles, les symboles se croisent et mélangent dans toute l’œuvre de Nathanaëlle Herbelin : Le canapé de l’amour ne comporte, en guise de traces amoureuses, que les mégots éteints dans un cendrier, symbole d’attente et de nervosité, et un portable fermé, symbole de renoncement ; Attention non divisée montre une chambre clairement divisée en deux espaces dans lesquels dorment, d’un côté un homme, de l’autre une femme, séparés et comme fâchés, chacun dans sa part de territoire et s’éloignant de l’autre ; Cloison montre précisément une cloison, en plein milieu d’un appartement, et qui isole sur la gauche un homme en caleçon, de dos, occupé à travailler sur son portable, tandis que sur la droite une femme habillée semble prendre à témoin le spectateur.
Chaque toile porte un récit, et comme le moment figé d’un écoulement lent de la fatalité humaine. Comme si tout, tout le temps, était marqué d’une profonde tristesse, due au caractère inéluctablement humain de l’existence, et néanmoins porteur d’un espoir infime, celui de l’avenir, de la durée, de l’ailleurs. Ainsi, Fuite et confinement, version picturale de la pandémie, ou bien l’énigmatique Cour intérieure et son linge qui sèche sur les cordes, en plein milieu du jardin, et qui paraît porter les mêmes circonvolutions complexes que les feuilles des arbres, mais en blanc et non en couleur, comme si la trace laissée par l’homme dans le jardin reproduisait le jardin, s’y inscrivait, le prolongeait.
Et, à chaque fois, la thématique est traitée avec un souci esthétique et un parti-pris de réalisme cru, à la limite extrême de la vulgarité. Dans Pince à épiler version 2, la jeune femme est saisie dans un moment d’intimité presque indécent, ce qui ôte à son corps nu toute trace d’érotisation. Même remarque sur le corps de Jérémie au bain, lequel exhibe son sexe sans que celui-ci ne choque à cause de la posture fœtale du corps tout entier qui, en quelque sorte, le neutralise, l’annihile, le formate.
L’univers de Nathanaëlle Herbelin est ainsi, à la fois, très trivial et très idéalisé : une belle réinterprétation du message de ceux qu’on appelait les « prophètes », les Nabis.
Nathanëlle Herbelin. Être ici est une splendeur, du 12 mars au 30 juin au Musée d’Orsay.
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