« Thierry Mugler. Couturissime » : la mode dans tous ses états au Musée des Arts Décoratifs

Dire de Thierry Mugler qu’il est un enchanteur serait insuffisant. Le monde, le monde tel qu’il existe, Thierry Mugler s’en inspire, le malaxe et le réinvente.

Il s’empare de l’ici maintenant pour en faire un ailleurs autrement différent, d’où, en permanence, cette étrange impression de « déjà vu » et d’improbable lorsqu’on entre dans l’exposition du Musée des arts décoratifs. L’univers de Thierry Mugler est fait de nature et de culture, de natures et de cultures.

La nature, les natures, ce sont les animaux, les créatures, les monstres, mais aussi et surtout les êtres humains, puisque, par-dessus tout, il s’intéresse à ce dernier — « le plus bel animal sur terre selon son expression.

Les cultures, c’est un bouillonnement complet fait d’Histoire, d’actualité, de science-fiction, de fantastique, de fanzines, de rock et de funk. Le tout est comme broyé dans la grande machine à laver du cerveau du créateur pour redevenir une série de modèles, totalement anachroniques et stupéfiants : un bestiaire entier dont on a du mal à croire qu’il ne s’agisse « que » de mode.

Le propos consiste à mêler, assembler, percuter, comme si l’on accédait à un autre monde. Et cet autre monde célèbre la femme.

De la femme, Thierry Mugler montre tout : les seins, les fesses, l’intimité… Mais il le fait comme on célèbrerait une messe païenne, avec ferveur et respect. Même dénudées, même offertes, même obscènes, les femmes de Thierry Mugler ne sont plus « objets sexuels » mais « sujets sexuels » pour reprendre l’expression de Camille Emmanuelle.

De plus, c’est un peu comme si Thierry Mugler était l’un des derniers représentants d’une tribu en voie de disparition : il utilise des matériaux qui, de nos jours, n’ont plus cours ou sont considérés de manière très péjorative : le cuir, le métal, le plastique, le caoutchouc, le synthétique, les tissus industriels, le nylon, les fausses plumes, fausses perles, fausses couleurs… Tout ce qui, jusqu’au changement de siècle, paraissait symbole de progrès et de modernité, et qui n’est plus désormais que symbole d’abondance, de gaspillage et de pollution.

Thierry Mugler représente l’acmé des Trente Glorieuses expirantes alors que le monde est entré dans sa période des trente piteuses. Et le tout, cette vibrante et fastueuse exposition sous forme d’un immense spectacle d’une folle intensité. C’est un opéra-rock ou un show baroque auquel nous assistons, fait de strass, de lumière, de sons et de couleurs. C’est « histrionesque » comme du Fellini et débordant de vie comme du Almodovar. On entre dans cette exposition comme si l’on franchissait les portes du rêve. Rien d’étonnant à ce que la dernière salle soit consacrée au théâtre : les costumes déments du Macbeth de J.P. Vincent à la comédie française en 1985.

Thierry Mugler. Couturissime, jusqu’au 24 avril 2022 au Musée des Arts Décoratifs.

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