« Babel » : retour sur le mythe au Palais des Beaux-Arts de Lille

« Tout le monde se servait d’une même langue et des mêmes mots. Comme les hommes se déplaçaient à l’Orient, ils trouvèrent une plaine au pays de Shinéar et ils s’y établirent. Ils se dirent l’un à l’autre: « Allons ! Faisons des briques, et cuisons‐les au feu ! » La brique leur servit de pierre et le bitume leur servit de mortier. Ils dirent : « Allons ! Bâtissons‐nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux ! Faisons‐nous un nom et ne soyons pas dispersés sur toute la terre ! » Or Yahvé descendit pour voir la ville et la tour que les hommes avaient bâties. Et Yahvé dit : « Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le début de leurs entreprises ! Maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux. Allons ! Descendons ! Et là, confondons leur langage pour qu’ils ne s’entendent plus les uns les autres. » Yahvé les dispersa de là sur toute la face de la terre et ils cessèrent de bâtir la ville. Aussi la nomma‐t‐on Babel, car c’est là que Yahvé confondit le langage de tous les habitants de la terre et c’est de là qu’il les dispersa sur toute la face de la terre. » Genèse XII, 1‐9.

Maintes fois représenté au cours des siècles, l’emblématique épisode de la Tour de Babel, tiré de la paracha Noa’h, marque la fin de l’humanité en tant que communauté unique. Située en Mésopotamie, Babylone était considérée sous l’Antiquité comme « mère des prostituées et des abominations de la terre » en raison de son luxe et de la décadence de ses habitants. La Tour de Babel est très probablement inspirée par la ziggurat de l’antique cité, édifice religieux à degrés construit par Nabuchodonosor II  et décrit par Hérodote d’Halicarnasse vers le 5ème siècle :

« Au milieu se dresse une tour massive, longue et large d’un stade, surmontée d’une autre tour qui en supporte une troisième, et ainsi de suite, jusqu’à huit tours. Une rampe extérieure monte en spirale jusqu’à la dernière tour ; à mi-hauteur environ il y a un palier et des sièges, pour qu’on puisse s’asseoir et se reposer au cours de l’ascension. La dernière tour contient une grande chapelle, et dans la chapelle on voit un lit richement dressé, et près de lui une table d’or. Mais il n’y a point de statue, et nul mortel n’y passe la nuit, sauf une seule personne, une femme du pays, celle que le dieu a choisie entre toutes, disent les Chaldéens qui sont les prêtres de cette divinité. Ils disent encore (mais je n’en crois rien) que le dieu vient en personne dans son temple et se repose sur ce lit comme cela se passe à Thèbes en Égypte, à en croire les Égyptiens – car là aussi une femme dort dans le temple de Zeus Thébain ; ces deux femmes n’ont, dit-on, de rapports avec aucun homme. La même chose se passe encore à Patares en Lycie pour la prophétesse du dieu (quand il y a lieu, car l’oracle ne fonctionne pas toujours) : elle passe alors ses nuits enfermée dans le temple. » (Hérodote, L’enquête, livre 1).

A partir de là, une multitude d’artistes s’attacheront à représenter la Tour de Babel de manière plus ou moins fidèle, mais son illustration la plus célèbre reste cependant celle de Bruegel l’Ancien, illustration aujourd’hui devenue représentation universelle, inspirant peintres, écrivains, sculpteurs et réalisateurs depuis des siècles.

Abandonnée puis démantelée, les pierres de la tour seront utilisées pour la construction de villes et villages alentours, avant que la cité toute entière ne sombre dans l’oubli.

A-travers 85 œuvres d’art contemporain – peintures, sculptures, installations, planches de BD…, allant du chantier de construction de la tour jusqu’à sa destruction, en passant par la confusion des langues ou encore la dispersion des peuples, le Palais des Beaux-Arts de Lille fait renaître avec Babel le mythe de cette allégorie de la conscience collective.

Babel, du 8 juin 2012 au 14 janvier 2013 au Palais des Beaux-Arts de Lille.

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