Née à Berlin en 1917, Charlotte Salomon est aujourd’hui une artiste internationalement reconnue. Ses oeuvres ont été exposés dans les plus grands musées, de la Royal Academy de Londres au Museum of Fine Arts de Boston, en passant par l’Art Gallery of Ontario, le musée Juif d’Amsterdam, ou encore Yad Vashem, le Mémorial de l’Holocauste de Jérusalem, en Israël.
L’arrivée des nazis au pouvoir en janvier 1933, suivie par la montée de l’antisémitisme à travers le pays, contraignent la jeune fille à quitter l’école et à mettre un terme à ses études. Dans le même temps, son père, médecin, perd quant à lui son droit d’enseigner à l’université.
Ce sera donc dans le dessin que Charlotte Salomon va se réfugier, et finalement se montrer particulièrement douée. Si douée qu’elle est même admise à l’Académie des Arts de Berlin, malgré le numerus clausus envers les étudiants juifs. Au fur et à mesure de ses créations, elle y applique de nouvelles règles d’art totalement inédites, faisant fi de l’académisme.
Mais si son père, Albert Salomon, est fier et heureux de la reconnaissance dont sa fille fait l’objet, ce n’est en revanche pas le cas de Paula Lindberg, sa belle-mère, chanteuse lyrique qui aurait aimé épargner une carrière d’artiste à la jeune fille.
Seulement voilà, Charlotte ne veut pas être modiste, elle veut être artiste-peintre. Et ce qui fut jusque-là considéré comme un passe-temps va devenir un but essentiel. Elle termine première d’un concours — l’anonymat des participants ayant joué en sa faveur — mais se verra malheureusement refuser le droit de recevoir son prix en raison de ses origines juives.
En novembre 1938, lorsqu’éclate la Nuit de Cristal, le doute cède la place à la peur : Albert Salomon est arrêté. Après deux mois d’incarcération, il reviendra transformé, amoindri, épuisé…
Pensant sauver sa fille, il décide de l’envoyer, seule, rejoindre ses grands-parents maternels dans le sud de la France où elle retrouve Ottilie Moore. La riche américaine, rencontrée quelques années auparavant, recueille dans sa villa, L’Ermitage, des juifs d’Europe fuyant les persécutions.
« Les moments tristes ont toujours l’air plus vrais. »
Charlotte Salomon.
Dans le cadre idyllique de la Côte d’Azur, Charlotte va découvrir un secret familial enfoui depuis des années. Transformée, elle se jette à corps perdu dans la création de centaines de gouaches, autant de témoignages autobiographiques aux faux-airs d’exutoire.
Une douleur atténuée par une rencontre avec Alexander Nagler, juif ukrainien lui aussi réfugié dans le Sud de la France. Pour épouser Charlotte, le jeune homme quitte la clandestinité, et accepte de se faire recenser. Un geste d’amour rare, mais qui quelques mois plus tard mènera le couple à sa perte…
Inspiré de Vie ? ou théâtre ?, œuvre magistrale de plus de mille gouaches considérée comme le tout premier roman graphique de l’histoire, Charlotte revient sur dix ans de la vie de Charlotte Salomon, avant qu’elle ne devienne Charlotte Salomon. Un projet au long cours qui a nécessité huit années de préparation, de la genèse jusqu’à la réalisation.
« Je suis une enthousiaste, quand j’aime quelque chose, je l’aime à fond. Et je pense vraiment que le travail de Charlotte est incroyable, et que son histoire est tellement inspirante, malgré sa fin tragique, et injustement méconnue. Comment ai-je pu ne pas savoir qui est cette artiste ? Comment se fait-il qu’elle ne figure pas dans les livres d’histoire de l’art ? »
Julia Rosenberg, productrice.
Pour mener à bien ce tout premier long-métrage consacré à l’artiste allemande, Julia Rosenberg s’est adjointe les services de maîtres du neuvième art : les spécialistes belges de l’animation Anton Roebben et Eric Goossens, qui ont déjà collaboré aux Triplettes de Belleville, ainsi que sur certains films d’Ari Folman.
On appréciera le fait que, sans pour autant ignorer totalement la violence dont ont été victimes les juifs de l’Europe des années 30 et 40, Charlotte s’interrompt au moment de l’arrestation de la jeune femme à Nice, épargnant au spectateur les tragiques épisodes de la déportation, de l’arrivée aux camps et de l’extermination.
« Je me suis plongée dans sa peinture, et j’ai trouvé ça magnifique. Quant à son histoire, je l’ai trouvée complètement folle, incroyable ; cette si jeune femme aura vécu tant de choses sur une si courte période et aura libéré un art si poignant, si beau. […] c’est important de mettre en lumière le travail des femmes artistes qui ont été laissées de côté par l’Histoire pour on ne sait quelle raison […] l’occasion d’offrir un modèle supplémentaire aux artistes féminines aujourd’hui. »
Marion Cotillard.
Arrêtés et déportés vers Drancy en septembre 1943, Alexander Nagler et Charlotte Salomon quittent la France pour Auschwitz à bord du convoi numéro 60. Enceinte de cinq mois, Charlotte est assassinée dès son arrivée. Alexander Nagler mourra d’épuisement quelques mois plus tard.
Charlotte, d’Éric Warin et Tahir Rana, en salle le 9 novembre.
Si vous désirez aller plus loin :
Charlotte, de David Foenkinos, aux éditions Folio. 256 pages. 7,80€.
Charlotte Salomon. Vie ? ou théâtre ?, d’Evelyne Benesh, aux éditions Taschen. 600 pages. 30,00€.
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