En salle le 28 février, « Il n’y a pas d’ombre dans le désert », le second long-métrage de Yossi Aviram, met en scène l’acteur israélien Yona Rozenkier et l’actrice italienne Valeria Bruni Tedeschi, qui a également co-écrit le scénario.
Tel Aviv, de nos jours. Anna Saboczy, auteure, débarque en Israël pour assister aux premières séances du jugement d’un criminel de guerre nazi, Andres Andorian, responsable de l’assassinat de 1.200 juifs en Hongrie en juillet 1944. Le père d’Anna, Laszlo, doit y témoigner. Lui qui n’a jamais voulu évoquer le passé ne voit pas l’intérêt de ce témoignage, tout comme le fait de « faire courir les vieillards à travers toute la planète ». Laszlo cherche des excuses pour ne pas venir, affirmant que son témoignage ne fera revenir personne. Même pas la mère d’Anna.
Si a priori le procès d’Andres Andorian n’est qu’un de plus sur la longue liste des procès de criminels de guerre nazis, il est en réalité fort différent. Et pour cause ! Depuis plus de cinq décennies, Andres Andorian vivait paisiblement à Ramat Gan, dans la banlieue de Tel Aviv.
Se faisant passer pour juif, Andorian arrive en Israël sous une fausse identité en 1948, participe à la guerre d’Indépendance, et devient même capitaine dans Tsahal avant de combattre lors de la Guerre des Six Jours. C’est ce vieil homme de quatre-vingt onze ans que l’on juge aujourd’hui pour crime contre l’humanité.
« J’ai beaucoup regardé des extraits de procès et de films sur les procès d’Eichmann et de Demjanjuk. Quand on regarde Eichmann par exemple, cela ne correspond pas à l’image qu’on se représente de celui qui a pu faire ce qu’il a fait. C’est bien là où se situe souvent la question, où se loge le mal ? Il ne se voit pas, il n’a pas comme dans les mauvais films, la tête de l’emploi. Mais pour mon film, l’expérience est plus proche du procès de Demjanjuk. Contrairement à Eichmann, on ne savait pas s’il était coupable ou non. C’est très intrigant, on regarde son visage et son expression totalement indifférente pendant le procès et on essaye de décider s’il est coupable ou non… Est-ce que c’est ça, le visage du mal ? »
Yossi Aviram, réalisateur.
Parallèlement, Anna fait la connaissance d’Ori. Si la jeune femme prétend ne pas le connaitre, les souvenirs d’Ori quant à eux sont très clairs. Limpides même. Il se souvient très bien de Turin, et des funérailles de Primo Levi au cours desquelles ils se sont rencontrés quelques années plus tôt. Mais qui pourrait accorder du crédit aux propos d’un jeune homme atteint de troubles psychologiques, irresponsable, suicidaire et que l’on hésite à laisser seul ?
« C’est clair que la Shoah a une présence forte dans ma vie, dans notre vie… Cela fait peut-être partie de notre sentiment permanent de culpabilité ? […] Et c’est peut-être cette culpabilité qui est à l’origine de cette mission. Dans le film, c’est comme une malédiction qui semble frapper Ori et Anna, au sens où tous les maux s’abattent sur eux, quelque chose qui passe les générations et vient les hanter, tout comme cette génération. »
Yossi Aviram, réalisateur.
Pour provoquer Anna et la forcer à livrer ses sentiments refoulés, Ori prend un décision radicale : enlever la jeune femme et l’emmener dans le désert. À Mitzpe Ramon, peut-être sera-t-elle plus encline à revenir sur ses souvenirs.
« J’aime profondément le désert depuis ma jeunesse. J’y fais beaucoup de randonnées, j’ai même été guide. J’ai la sensation que le désert remplit l’âme. Je ne peux pas dire exactement pourquoi. Parce qu’il est vide ? Parce qu’il est beau ? Parce qu’on y voit très loin ? Pour moi le désert n’est pas une métaphore, juste un amour profond. Il est… presque sacré. Ma grand-mère hongroise n’a jamais compris comment je pouvais aimer ce paysage « mort ». C’est une chose très personnelle… »
Yossi Aviram, réalisateur.
En salle le mercredi 28 février, Il n’y a pas d’ombre dans le désert est le second long-métrage du réalisateur israélien Yossi Aviram après La Dune, dans lequel on retrouvait Niels Arestrup, Lior Ashkenazi ou encore Mathieu Amalric, sorti en août 2014 en France. Déjà tourné en Israël, La Dune avait remporté le prix du Meilleur premier film à Haïfa et avait été diffusé dans une douzaine de festivals à travers le monde. Quatre ans plus tard, Yossi Aviram signait également un poignant documentaire, Il était une fois « Le Procès de Viviane Amsalem », dans lequel on retrouvait l’inoubliable Ronit Elkabetz.
Quant aux principaux protagonistes, Valeria Bruni Tedeschi, absolument bouleversante, et Yona Rozenkier, déjà aperçu dans Le dernier jour d’Yitzhak Rabin, d’Amos Gitaï, sont tout simplement parfaits. On n’aurait pu imaginer un autre casting.
Il n’y a pas d’ombre dans le désert, de Yossi Aviram, en salle le mercredi 28 février.
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