Le 20 janvier 1942, quinze hauts fonctionnaires du régime nazi se réunissent autour d’une « collation » dans une villa cossue des bords du lac de Wannsee, à quelques kilomètres de Berlin.
Membres de la SS, du NSDAP ou encore des ministères, l’ordre du jour, que tous découvrent au dernier moment, tient en un point : organiser la Solution Finale à la question juive en Europe. Reinhard Heydrich, chef du service de sécurité et co-organisateur, souhaite les en informer, et surtout s’assurer de leur soutien plein et entier dans sa mise en œuvre.
Bien que les crimes de masse aient débuté depuis des années — des dizaines de milliers de juifs ont déjà été assassinés à l’Est, notamment par les Einsatzgruppen —, la conférence de Wannsee entérine l’éradication de la population juive non pas seulement dans les frontières du Reich, mais à l’échelle du continent. Soit onze millions de personnes.
Pour nombre d’entre eux, cette réunion n’est qu’une parmi tant d’autres. Une routine.
Si les juifs représentent par définition un sujet déplaisant pour ces hommes — qui plus est autour d’un petit déjeuner —, il n’en va pas de même pour la question de leurs biens. C’est également à Wannsee que va être décidé le projet de « camp modèle » pour Theresienstadt. Un lieu au service de la propagande nazie, avec pour ambition de rassurer les puissances internationales sur le traitement que l’Allemagne réserve à ses juifs.
Contre toute attente, certaines réticences se font jour à Wannsee durant ces deux heures de réunion ; certaines tensions même, notamment sur la question des « demi juif » ou des « quart de juif » ; sur l’exil vers Madagascar, un temps évoqué mais désormais inenvisageable en raison du contrôle des mers par les britanniques ; de même, on ne peut plus les déporter en Sibérie, les routes de l’Est étant bloquées par les russes ; sans parler de ce qu’on appellera plus tard la Shoah par balles, et son impact plus que négatif sur le moral des troupes.
Le film, son scénario et ses dialogues sont directement inspirés du procès-verbal confidentiel d’Adolf Eichmann, qui fut chargé du compte rendu. Sur la quinzaine de copies rédigées à l’époque, un seul exemplaire est parvenu jusqu’à nous, retrouvé à la fin de la guerre.
Pour plus de véracité, toutes les séquences extérieures ont été tournées sur les lieux même de la conférence ; en revanche, et pour des raisons techniques évidentes, les scènes intérieures ont été filmées dans les studios de la Berliner Union Film. Bien qu’il s’agisse donc de décors, les pièces de la villa ont été recréées et meublées conformément aux documents d’époque.
La conférence dure une heure cinquante ; à peu de chose près le temps que dura, il y a quatre-vingt ans, la Conférence de Wannsee. Cette unité de lieu et de temps, Matti Geschonneck en fit une condition préalable au projet : l’histoire devait être filmée « en temps réel », sans sortir de la villa et sans aucune référence aux jours précédents ou suivants.
Pari réussi ! Durant deux heures, le spectateur assiste, témoin impuissant, à la programmation de l’assassinat de six millions de juifs en Europe.
La conférence, de Matti Geschonneck, en salle le 19 avril 2023.
Si vous désirez aller plus loin :
Heydrich et la solution finale, d’Edouard Husson, aux éditions Tempus Perrin. 600 pages. 12,00€.
La conférence de Wannsee, de Peter Longerich, aux éditions Eloïse d’Ormesson. 240 pages. 20,00€.
Et pour la jeunesse :
Wannsee, de Fabrice le Henanff, aux éditions Casterman. 88 pages. 18,00€.
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