« Le cas Eduard Einstein » : focus sur la part sombre d’un génie…

Tiré du roman multi-récompensé de Laurent Seksik écrit en 2013, vendu à plus de 120.000 exemplaires et traduit en dix-huit langues, Le cas Eduard Einstein est actuellement adapté sur la scène de la Comédie des Champs Elysées, avec dans les rôles principaux Michel Jonasz, Hugo Becker et Josiane Stoleru.

Zurich, clinique psychiatrique Burghölzli, 1932. Mileva Einstein visite la chambre dans laquelle son fils Eduard, 22 ans, s’apprête à être admis pour schizophrénie. Mileva connait déjà l’endroit : quelques années plus tôt sa soeur, Zorka Maric, y a également séjourné.

Entièrement dévouée ses enfants, Mileva a tiré un trait sur sa carrière scientifique pour se consacrer à sa famille. Au contraire d’Albert, de qui elle est séparée depuis quelques années, et qui lui, a toujours privilégié sa carrière, et brillé par son absence.

Avec la montée de l’antisémitisme en Allemagne, devenu une cible privilégiée, le physicien songe à s’exiler aux Etats-Unis. En 1933, avant de prendre la route du Nouveau Monde, Albert va rendre à son fils une ultime visite d’adieu au Burghölzli. Une visite aussi froide que brève. Les relations entre eux ont toujours été tendues depuis la séparation d’Albert et de Mileva.

Sur les planches de la Comédie des Champs Elysées, la mise en scène signée Stéphanie Fagadau met en confrontation deux univers distincts : la chambre d’Eduard à Zurich, et le bureau d’Albert Einstein, à Berlin tout d’abord, puis à Princeton.

Les principaux protagonistes que sont Michel Jonasz, dans le rôle d’Einstein, Josiane Stoleru dans celui de Mileva, et surtout Hugo Becker, qui interprète un Eduard magnifiquement schizophrène, sont tous brillants et sans faute, et portent à merveille l’oeuvre de Laurent Seksik sur scène.

Avec cette adaptation théâtrale, l’aventure continue donc pour Laurent Seksik. Ce qui ne devait être à l’origine qu’une nouvelle biographie d’Albert Einstein, commandée à l’auteur par les éditions Gallimard, s’est finalement transformé lorsque l’auteur, en parcourant la vie du génie, tombe sur trois lignes :

« Einstein avait deux fils. Le benjamin, fou, interné en 1932, vécut la majeure partie de sa vie à l’asile, et mourut en 1965, jardinier de l’hospice, sans que son père ne l’ait jamais revu après l’avoir quitté en 1933 lors de son départ pour l’Amérique. »

Il n’en fallait pas plus. Ces trois lignes marquent le point de départ d’une quête à la recherche d’un pan méconnu et obscure de la vie de celui qui fut le plus grand scientifique du 20ème siècle. Une histoire longtemps restée dans l’ombre.

Avec en toile de fond des périodes historiques fortes, de la montée de l’antisémitisme et du nazisme en Europe, jusqu’à la « Chasse aux sorcières » des années 50 dans l’Amérique de Mc Carthy, Le cas Eduard Einstein dresse un portrait de famille oublié et en réalité peu glorieux. Mais tandis que dans la Vieille Europe, son fils et son ex-épouse, pourtant en sécurité, sont livrés à eux-même, à Princeton, où il pensait trouver un refuge, Einstein est placé sous l’étroite surveillance du FBI. Soupçonné d’être communiste, il offre l’hospitalité à Marian Anderson, une cantatrice noire à qui le Grand Hôtel Nassau a refusé une chambre en raison de sa couleur, fréquente Charlie Chaplin, et soutient Trotsky. Dans la ligne de mire de Hoover et des agents du FBI, l’agence a monté sur lui un dossier de plus de 2.000 pages.

Prix Nobel de physique en 1921 – la totalité de la somme de son Nobel sera consacrée au traitement d’Eduard -, Einstein finira ses jours dans sa demeure de Mercer street après plus de vingt années d’exil au cours desquelles il se souviendra de ses amis, de Max Planck à Lucian Freud, qu’il considérait cependant comme un charlatan, en passant par Stefan Zweig, dont il apprends le suicide en 1942. Il ne reverra jamais son fils.

Portée par une excellente distribution, Le cas Eduard Einstein fait la lumière sur la part la plus sombre de l’un des plus fameux scientifiques du siècle dernier.

Le cas Eduard Einstein, actuellement à la Comédie des Champs Elysées.

Si vous désirez aller plus loin :

Le cas Eduard Einstein, de Laurent Seksik, aux éditions J’ai lu. 316 pages. 7,60€.
Einstein : Les vies d’Albert, de Vincenzo Barone, aux éditions De Boeck. 224 pages. 17,50€.
Madame Einstein, de Marie Benedict, aux éditions 10×18. 384 pages. 8,10€.

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