Les Camondo, une dynastie de Constantinople à Auschwitz (1ère partie)

Originaires de la péninsule ibérique, sans doute chassés d’Espagne par l’Inquisition vers 1492, les premiers Camondo se réfugient à Constantinople, capitale de l’empire Ottoman, qui les accueille.

S’il est difficile de retracer le parcours exact qu’ils ont pu suivre, des traces de leur présence apparaissent régulièrement autour du bassin méditerranéen, à Trieste, dans la République de Venise, dans les royaumes arabes et berbères…

Né en 1781 à Constantinople, Isaac Camondo et son frère Abraham-Salomon fondent la banque « Isaac Camondo & Cie ». Lorsqu’Isaac meurt de la peste en 1832, Abraham-Salomon hérite de l’établissement, et le développe de façon considérable. Travaillant avec vizirs et sultans, participant activement à la construction du quartier de Galata, dédié à la finance, fondant une école, la « Isaac Camondo & Cie » participe également à la mise en place d’un système bancaire moderne dans le pays, et édifie par la même occasion une des plus colossales fortunes de l’empire.

En 1840, les Juifs de Rhodes et de Damas, accusés à tort de crimes rituels, sont persécutés, emprisonnés et torturés. Leader de la communauté juive de Constantinople, Abraham-Salomon, avec l’aide des Rothschild, jouera de son influence auprès du sultan Abdul Medjid, et obtiendra la libération des Juifs de Rhodes, tandis qu’Adolphe Crémieux et Moïse Montefiore permettront celle des Juifs de Damas, obtenue grâce à l’intervention de Mehmet Ali.

Bénéficiant de la nationalité autrichienne, que la famille abandonnera en 1865 au profit de la nationalité italienne, Abraham-Salomon est désigné en 1854 pour représenter la communauté austro-hongroise de l’empire Ottoman à l’occasion du mariage de l’empereur François Joseph d’Autriche avec Elisabeth Wittelsbach, dite Sissi, à Vienne.

Accueillant avec enthousiasme les projets de réunification de l’Italie, Abraham-Salomon soutient financièrement Victor Emmanuel II avec de généreux dons – 10.000 francs à l’orphelinat de Turin, une rente de 2.500 francs à l’école italienne de Constantinople, etc… En guise de remerciements, le souverain italien l’anoblit en 1867. Il devient Comte Abraham-Salomon de Camondo.

A la fin du Second Empire, afin d’élargir son activité, la famille décide de quitter Constantinople pour s’installer Paris. Abraham-Salomon et ses deux petits-fils, Abraham Béhor et Nissim, les fils de Raphaël, mort en 1856 d’une crise d’apoplexie, arrivent en France en compagnie de Régina Baruch, l’épouse d’Abraham-Béhor, et leurs deux enfants, Isaac et Clarisse, ainsi qu’Elise Fernandez, l’épouse de Nissim, et leur fils Moïse.

En 1871 éclate la Commune de Paris. Les Camondo quittent provisoirement la capitale et se réfugient à Londres. A leur retour, ils décident de s’installer dans le VIIIème arrondissement, rue Monceau. Abraham-Béhor achète un terrain au numéro 61 tandis que son frère Nissim acquiert l’hôtel particulier du numéro 63. Très vite, leurs demeures se transformeront en écrin où seront conservées toutes sortes d’œuvres d’art, mobilier, objets, tableaux…

L’année 1873 est marquée par un drame : Abraham-Salomon s’éteint. Selon ses dernières volontés, sa dépouille est rapatriée à Constantinople où il reçoit des funérailles officielles, cas resté unique dans les annales turques.

Héritant de la « Isaac Camondo & Cie », Abraham-Béhor, né en 1829, est un homme travailleur, dynamique, et inséparable de son frère Nissim, d’un an son cadet. Travaillant côte-à-côte, les deux hommes poursuivent les activités financières de la banque familiale, et sous l’impulsion de cette nouvelle génération, l’établissement prend part à de nombreuses affaires en France et dans le monde.

Dans la capitale, les deux frères diversifient leurs activités et deviennent les banquiers de l’impératrice Eugénie, financent le Canal de Suez, administrent la Banque de Paris et des Pays-Bas, le Crédit Immobilier d’Espagne et la banque franco-tunisienne, fondent la société des tramways de Constantinople… Fréquentant la haute société parisienne, on les croise régulièrement à la bourse, à l’opéra, aux champs de course, dans les stations thermales, pour le plus grand plaisir de la critique, d’un antisémitisme virulent à l’époque.

Décorés de la Légion d’Honneur en 1882, les deux frères sont immortalisés par Bonnat et Carolus Duran. A l’occasion de l’Exposition Universelle qui se tient à Paris en 1889, Nissim est choisi pour assurer la présidence du Comité italien, mais il décède en début d’année. Ce sera donc son frère qui assurera cette fonction, avant de s’éteindre à son tour quelques mois plus tard.

Trouvant leurs modèles chez les Rothschild ou les Montefiore, Abraham-Salomon, Abraham-Béhor et Nissim de Camondo auront contribué de manière significative à la promotion du progrès au sein des sociétés turque et occidentale en général, et de la communauté juive en particulier.

Mais avec l’arrivée d’Isaac de Camondo et de son cousin Moïse, une ère nouvelle s’annonce…

Si vous désirez aller plus loin :

Le dernier des Camondo, de Pierre Assouline, aux éditions Folio. 338 pages. 8,40€.
Les Camondo ou l’éclipse d’une fortune, de Sophie le Tarnec et Nora Seni, aux éditions Babel. 480 pages. 9,80€.
Correspondance et journal de campagne de Nissim de Camondo (1914-1917), de Nissim de Camondo, aux éditions Musée des Arts Décoratifs. 276 pages. 39,00€.
Musée Nissim de Camondo, la demeure d’un collectionneur, de Marie-Noël de Gary, aux éditions Musée des Arts Décoratifs. 320 pages. 50,00€.
Le mobilier du musée Nissim de Camondo, de Sylvie Legrand-Rossi, aux éditions Faton. 228 pages. 75,00€.

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2 commentaires sur Les Camondo, une dynastie de Constantinople à Auschwitz (1ère partie)

    • Merci beaucoup Brigitte pour ces encouragements. Il est vrai que la vie et le destin de cette dynastie, qui ne s’étale pourtant que sur cinq générations, sont absolument exceptionnels.
      A très vite peut-être, avec la visite autour de Simone Veil en juin ? 🙂

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