« Shikun », le huis-clos d’Amos Gitaï inspiré de la pièce de Ionesco…

En salle le le 6 mars 2024, « Shikun » épouse les formes du cinéma expérimental, à mi-chemin entre le ballet contemporain et le théâtre pour dénoncer une société israélienne livrée entre autres aux promoteurs immobiliers.

Librement inspirée de la pièce Rhinocéros d’Eugène Ionesco, le choix des acteurs est particulièrement soigné : Irène Jacob, fil rouge du film, Yaël Abecassis, Bahira Ablassi, actrice palestinienne,Hanna Laslo ou encore Naama Peis…

Chacun livre sa partition dans sa propre langue — hébreu, arabe, biélorusse ou français — au sein d’un microcosme figurant la société israélienne dans un lieu métaphorique nommé Shikun.

Ce nouveau long-métrage d’Amos Gitaï n’est pas sans en rappeler un autre, Un tramway à Jérusalem, sorti en 2018 ; un film tout aussi symphonique appuyé par une bande son mêlant des airs de mélopée orientale.

Comme dans la pièce de Ionesco, le film se découpe en trois actes. Dans ce groupe hybride de personnages de toutes nationalités, une bibliothécaire transposée dans un espace poussiéreux où archives et livres s’accumulent ; une juive pieuse récitant un psaume ; une jeune fille traversant la scène à épisodes réguliers en trottinette… On assiste à une contagion,des gens se transforment en rhinocéros tandis que d’autres résistent.

La menace plane, admirablement interprétée par une Irène Jacob dont le personnage ondule dans une danse frénétique au bord de la folie.


Amos Gitaï se rappelle ainsi le contexte avant le 7 octobre :

« Un mouvement qui avait aussi le sens d’une réaction à la montée d’une forme de conformisme, de disparition de l’esprit critique, dans la société israélienne. C’est dans ce contexte que j’ai relu la pièce de Ionesco, « Rhinocéros », écrite à la fin des années 1950 comme une fable anti-totalitaire, et qui m’a semblé faire écho à ce que nous vivions. J’y ai vu la possibilité d’une inspiration pour un film à propos du présent que nous vivions… »

Amos Gitaï, réalisateur.

En hébreu, Shikun signifie « logement social », « bâtiment pour accueillir ». Dans le film, il devient un abri pour des personnes qui, pour différentes raisons, ont besoin d’un endroit où se réfugier face à la menace des rhinocéros. Shikun est un huis-clos avec de furtives échappatoires à l’extérieur, défini sous la houlette d’architectes et de promoteurs immobiliers retraçant l’espace. Les cinéphiles y verront une abstraction de temps et de lieu, un peu dans la veine de Dogville, le chef-d’œuvre du cinéaste Lars Von Trier.

« Et ni les acteurs ni moi ne connaissons toutes les raisons de ce qui se passe, c’est une recherche pour chacune et chacun, une sorte de quête. Au mieux, nous comprenons ce que nous avons fait après l’avoir fait. Mais cela passe par des choix très précis sur le tournage, lorsqu’on a des plans-séquences avec un grand nombre de protagonistes en mouvement et des circulations complexes de la caméra, on ne peut pas improviser, il faut tout régler au millimètre. Le film nait de cette exigence comme de l’ouverture des questionnements. »

Amos Gitaï, réalisateur.

Shikun, d’Amos Gitaï, en salle le mercredi 6 mars.

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