Entre music-hall et Résistance : sur les pas de Joséphine Baker au château des Milandes

« Tous les hommes n’ont pas la même couleur, le même langage ni les mêmes mœurs, mais ils ont le même cœur, le même sang, le même besoin d’amour. »

Joséphine Baker

Inoubliable interprète de J’ai deux amours, Joséphine Baker, qui s’auto-proclama « première star noire », arrive en France en septembre 1925 grâce aux bons auspices de l’épouse de Donald J. Reagan, qui veut faire de la jeune artiste la tête d’affiche de son futur spectacle, La revue nègre, où sur des airs de charleston elle doit chanter et danser vêtue d’un simple pagne de bananes.

Le scandale passé, Joséphine Baker devient une star et une icône des Années Folles, entame une tournée en Europe, mène la revue des Folies Bergère et du Casino de Paris, et fait ses premiers pas au cinéma…

Joséphine Baker son célèbre pagne de bananes (années 20).

Originaire de Saint-Louis, dans le Missouri, la tournée qu’elle fera dans son pays natal ne rencontrera pas le succès escompté. Elle obtiendra la nationalité française à son retour en 1937 grâce à son mariage avec Jean Lion, un industriel qui fit fortune dans le sucre. Par amour pour lui, elle se convertira au judaïsme, sans cependant jamais abandonner sa foi chrétienne qu’elle continue de pratiquer avec assiduité. Le couple s’installe alors en location dans un très beau domaine du Périgord, le château des Milandes.

Reconnaissante envers la nation qui l’a accueilli et a fait d’elle une star, Josephine Baker devient en septembre 1939 un agent du contre-espionnage français, et s’engage dès l’année suivante dans les services secrets de la France Libre.

Profitant de sa notoriété et de ses nombreux déplacements, elle utilise ses robes et ses partitions pour dissimuler des messages secrets ; autant de risques qui lui vaudront d’être décorée de la Médaille de la Résistance, de la Légion d’Honneur et de la Croix de Guerre 1939-1945.

Lors de sa tournée en 1941, elle accouche à Casablanca d’un enfant mort-né qui signera pour elle la fin de tout espoir de grossesse. Elle n’aura alors de cesse que d’adopter les enfants qu’elle ne peut avoir, créant ainsi une communauté internationale qu’elle nommera sa « Tribu arc-en-ciel », composée de douze enfants de toutes races, de toutes religion et provenant de tous les continents : Akio, de Corée, Janot, du Japon, Jari, de Finlande, Marianne et Brahim, d’Afrique du Nord, Jean-Claude, Noël et Moïse, des français, Koffi, de Côte-d’Ivoire, Luis, de Colombie, Mara, indienne du Vénézuela, et enfin Stellina, du Maroc.

Joséphine Baker. © DR.

En décembre 1954, elle demande à Moshé Shapira, ministre du culte en Israël, l’autorisation d’adopter un enfant Juif. Mais le tout jeune État, dont la principale priorité est de peupler un pays qui n’a alors que six ans, refuse. Qu’a cela ne tienne, elle adoptera un petit parisien… qu’elle fera convertir au judaïsme.

Victime du racisme lors de son enfance aux Etats-Unis, elle entends ainsi montrer au monde qu’il est possible de vivre ensemble.

Avec Jo Bouillon, son quatrième mari, elle finit par acheter en 1947 le domaine des Milandes, ainsi que le village voisin de Castelnaud en 1951, dont elle veut faire « le village du monde », sorte de capitale de la fraternité. Autant de projets beaux mais parfaitement utopiques, qui seront le facteur de nombreux désaccords dans le couple et aboutiront à un divorce en 1961.

En 1963, Joséphine Baker reprend la route des Etats-Unis et participe à la grande marche organisée par Martin Luther King. Elle sera la seule femme à prendre la parole lors du rassemblement.

Abusée et ruinée par sa trop grande générosité, elle entame une lente descente aux enfers et lance un appel pour sauver les Milandes. Vendu aux enchères en 1964, l’intervention de Brigitte Bardot permet de sauver temporairement le domaine, mais quatre ans plus tard, alors que Josephine Baker enchaîne les tournées pour des raisons financières, elle apprends qu’il a été vendu pour un dixième de sa valeur, et que le nouveau propriétaire aurait déjà investi les lieux.

Épuisée mais combative, elle fera le siège du château durant de longs mois, enfermée dans la cuisine, avant d’être expulsée en mars 1969. Recueillie par la princesse Grace de Monaco, qui lui offre un logement à Roquebrune, Joséphine Baker meurt d’une attaque cérébrale en avril 1975 à l’âge de 69 ans.

Aujourd’hui un des plus importants lieux touristiques du Périgord, le château des Milandes propose, le temps d’une visite, une merveilleuse plongée dans la vie de château à l’époque de Joséphine Baker. À travers un parcours d’une quinzaine de pièces, le visiteur découvre la salle du music-hall, ancienne bibliothèque rendant hommage aux succès de l’artiste et dans laquelle est désormais présentée la fameuse ceinture de bananes ; le grand salon et ses nombreux costumes de scène portés à l’Olympia ou au Carnegie Hall de New-York ; la salle de bains noire et or aux couleurs d’Arpege, son parfum préféré signé Lanvin ; la salle à manger où elle reçut Jean Gabin, Line Renaud, Jean-Claude Brialy ; la cuisine ou encore la salle de la Résistance, rendant hommage à son engagement au cours de la Seconde guerre mondiale.

Pour finir, dans les jardins à la française situés à l’arrière du château, un spectacle de fauconnerie présente différentes espèces de rapaces : chouettes, hiboux, aigles, faucons…

Une visite émouvante à ne surtout pas manquer !

Si vous désirez aller plus loin :

Visiter le château des Milandes, le guide de visite, aux éditions du sud-ouest. 4,60€.
Joséphine Baker, de Jacques Pessis, aux éditions Folio. 256 pages. 8,60€.
Joséphine Baker contre Hitler : la star noire de la France Libre, de Jacques Onana, aux éditions Duboiris. 159 pages. 15,00€.
Un château sur la lune. Le rêve brisé de Joséphine Baker, de Jean-Claude Bouillon-Baker, aux éditions Hors collection. 271 pages. 19,50€.
Joséphine Baker. Une américaine à Paris, de Phyllis Rose, aux éditions Fayard. 392 pages. 25,00€.

Et pour la jeunesse :

Joséphine Baker, la danse, la Résistance et les enfants, aux éditions Rue du Monde. 101 pages. 19,50€.
Joséphine Baker, de Catel et José-Louis Bocquet, aux éditions Casterman. 568 pages. 26,95€.

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