A la fin du 19ème siècle en France, en opposition à l’Impressionnisme et dans la lignée du Arts and Crafts né en Angleterre sous l’impulsion de l’auteur John Ruskin et du dessinateur William Morris, des artistes décident de se rassembler et de créer leur propre mouvement : le nabi.
Avec pour ambition d’établir un art nouveau et d’abattre la frontière entre beaux-arts et arts appliqués, Edouard Vuillard, Maurice Denis, Félix Vallotton, Paul Ranson, Pierre Bonnard ou encore Paul Sérusier, considéré comme le père fondateur du mouvement, abandonnent l’aspect « imitatif » de la peinture au profit de l’utilisation de couleurs vives et de formes simples.
Largement inspiré par l’art japonais, qu’ils découvrent en 1890 à l’occasion de l’exposition de 760 estampes à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, l’art des nabis sera popularisé grâce au collectionneur et marchand d’art allemand Siegfried Bing, organisateur de l’événement et éditeur d’une revue très lue par les artistes, Le Japon artistique.
Fin 1895, Siegfried Bing ouvre au 22 rue de Provence, à Paris, la Maison de l’Art Nouveau, comprenant une galerie d’art et un espace de vente. Pendant une dizaine d’années, les deux niveaux d’exposition verront passer des bijoux signés Lalique, de la verrerie Emile Gallé, des bronzes, céramiques ou tissus d’ameublement de Louis Comfort Tiffany, dont Bing est le représentant exclusif en France, et bien entendu des œuvres des principaux peintres nabis.
Soucieux de créer un art accessible au plus grand nombre et de faire entrer le « beau » dans le quotidien, les nabis exercent dans divers domaines, de la tapisserie à la céramique, en passant par le vitrail, le papier-peint ou les panneaux décoratifs qui ornent les intérieurs contemporains.
Edouard Vuillard, ancien metteur en scène du théâtre de l’Oeuvre, occupera très tôt une place de choix parmi ce groupe d’artistes très en vue, notamment grâce à son ami et principal client, Alexandre Natanson, fondateur avec son frère Thadée de la Revue Blanche en 1889. Pour le séjour de son hôtel particulier, Alexandre Natanson va lui commander une série de neuf panneaux inspirés du thème des jardins publics. Un thème inédit à cette époque et qui va grandement contribuer à sa renommée et à celle de tout le mouvement, comme les Femmes au jardin de Bonnard, suite de quatre panneaux conçus pour un paravent, et première oeuvre à être exposée dans une manifestation publique lors de la 7ème édition du Salon des Indépendants, en 1891. C’est d’ailleurs elle qui accueille les visiteurs, dans la première salle de l’exposition.
A de rares exceptions près, le privilège de la décoration intérieure appartenait aux maîtresses de maison, leurs fortunés époux étant quant à eux en charge de passer commande, et bien sûr de régler les menus détails pécuniaires de ces dernières. A l’exception toutefois celle qui fut surnommée « la reine de Paris », Misia Sert, épouse de Thadée Natanson, dont Vuillard, le « nabi zouave », est éperdument amoureux, réalisant pour sa salle à manger une très belle – et très coûteuse – série de panneaux.
Au fil des déménagements ou des divorces de leurs propriétaires, la majeure partie des ces commandes exceptionnelles seront démantelées, éparpillées ou revendues, rendant presque impossible aujourd’hui la reconstitution des décors originaux tels qu’ils furent créés à l’époque.
Avec une production limitée et majoritairement restée à l’état de prototype, en à peine une dizaine d’années les nabis vont jouer un rôle essentiel dans l’évolution des arts décoratifs et la naissance du « décor moderne », ne répondant à aucune norme esthétique.
Les nabis et le décor est la toute première exposition en France sur l’art décoratif et ornemental des nabis, dont une grande partie des œuvres était présentée il y a quelques semaines à peine au Louvre Abu Dhabi dans le cadre de l’exposition Affinités japonaises. Vers le décor moderne, célébrant le premier anniversaire du « musée universel » des Emirats Arabes Unis.
Les nabis et le décor, jusqu’au 30 juin 2019 au Musée du Luxembourg.
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