D’origine alsacienne, née en novembre 1865, Berthe Weill suit un apprentissage chez Salvator Mayer, un marchand de gravures de la rue Laffitte.
A la mort de ce dernier, elle se lance et ouvre fin 1901 sa propre galerie à Montmartre, la “Galerie B. Weill”, qu’elle veut consacrée à la “nouvelle peinture”. Dans un milieu exclusivement masculin, elle devient la première femme galeriste, et dénote : on la dit petite, pète-sec, et myope comme une taupe.
Malgré la taille réduite de sa galerie — à peine neuf mètres carrés et seulement six mètres de cimaise —, Berthe Weill prend des risques et expose des artistes inconnus à l’époque : Picasso, Matisse, Marquet… Parfois, les toiles encore humides sèchent suspendues à des cordes à linge. Si elle aime l’artiste, elle accepte même de l’exposer gratuitement. Elle sera la première à organiser une exposition Modigliani en 1917 — la seule du vivant de l’artiste —, qui provoqua une émeute. En vitrine est présenté un “Nu couché” ; la rue est bloquée, la police intervient, et la toile doit être décrochée. Les poils du modèle ont choqué les passants ! En 2015, ce même tableau sera vendu 170 millions de dollars chez Christie’s.
Berthe Weill est aussi une militante engagée. Durant l’Affaire Dreyfus, un portrait d’Émile Zola ne quitte pas ses vitrines ; et pendant la Première Guerre mondiale, elle refuse d’exposer les artistes de nations non-belligérantes.
Sitôt les troupes allemandes entrées dans Paris en juin 1940, elle subit les lois antisémites, ses œuvres sont confisquées, et elle est contrainte de fermer sa galerie. Elle se retire dans son minuscule appartement de la rue Saint-Dominique, où elle vit désoeuvrée et échappe à la déportation. Elle ne reprendra jamais ses activités de marchande.
Durant ses quarante années de carrière, ses différentes galeries parisiennes accueilleront vingt-six expositions de Raoul Dufy, dix-neuf d’Henri Matisse, dix-huit de Suzanne Valadon, quinze de Picasso, treize d’Utrillo et de Van Dongen, mais aussi Toulouse-Lautrec, Signac, Braque… Plus de cent artistes au total.
A la fin de guerre, en décembre 1946, quatre-vingt d’entre eux vont créer chacun une œuvre qui sera vendue aux enchères. Le produit total de la vente, plus de quatre millions de francs à l’époque, est intégralement reversé à Berthe Weill, pour lui permettre de finir ses jours dignement. Sur l’affiche, on pouvait lire :
Berthe Weill se retire dans une maison de retraite de l’Isle-Adam où elle meurt en avril 1951, impotente et presqu’aveugle.
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