« Caravage à Rome. Amis et ennemis », actuellement au musée Jacquemart-André

Pour la première fois depuis 1965 et l’exposition Le Caravage et la peinture italienne du 17ème siècle, qui s’était à l’époque tenue au musée du Louvre, une dizaine de toiles du maître milanais sont présentées à Paris, au musée Jacquemart-André, pour une exposition-événement.

Caravage à Rome. Amis et ennemis, présentée du 21 septembre 2018 au 28 janvier 2019, propose donc une plongée dans l’oeuvre de Michelangelo Merisi, dit Le Caravage, à travers dix œuvres majeures, dont sept jamais présentées en France, et issues de collections particulières ou prêtées par des musées romains de renom tels que la galerie Borghèse, les Musées Capitolins, le Palais Barberini, mais aussi les Offices de Florence ou l’Ermitage de Saint-Pétersbourg.

Et quand on sait que pour la plupart de ces établissements, le seul Caravage qu’ils possèdent représente le cœur de leur collection permanente, on imagine quel jeu de négociation cela a été pour le musée Jacquemart-André de réunir dans une même exposition autant de chefs-d’oeuvre. En plus d’un investissement financier considérable, allant des assurances jusqu’au transport et à la scénographie, le musée du boulevard Haussmann aura donc dû, lui aussi, prêter une partie de ses œuvres anciennes. Echange de bons procédés…

Comme l’indique le titre de l’exposition, Caravage à Rome. Amis et ennemis est donc consacrée aux années romaines du peintre, et à ses relations, bonnes et mauvaises, avec d’autres artistes, poètes et intellectuels de l’époque, ainsi qu’avec les collectionneurs et mécènes, dont le marquis Giustiniani et le cardinal del Monte, qui deviendront ses deux principaux clients.

Avec une approche nouvelle de l’iconographie et de la technique, Caravage révolutionne la peinture de la fin du cinquecento par sa maîtrise inégalée du clair-obscur, et le réalisme sans précédent de ses œuvres.

Les toiles présentées couvrent donc une période s’étalant sur une quinzaine d’années, de 1592 jusqu’à 1606, date à laquelle il devra fuir la capitale italienne. Arrêté à de nombreuses reprises, emprisonné, accumulant procès et duels, ce sera au cours de l’un d’eux, en mai 1906, qu’il tuera Ranuccio Tomassoni da Terni pour une affaire de dettes de jeu. Condamné à mort, Caravage est contraint à l’exil…

Articulée autour de huit thèmes, les peintures du Caravage trouvent donc place autour de thématiques diverses, des Têtes coupées à la Peinture d’après modèle vivant, des Images de la méditation au Temps de la fuite, dialoguant habilement avec des œuvres signées Annibal Carrache, Orazio ou Artemisia Gentileschi, Giovanni Baglione, Bartolomeo Manfredi, le Chevalier d’Arpin…

Au fil de sa visite dans des salles à l’accrochage très académique, le visiteur découvrira donc, ouvrant le bal, le magnifique Judith décapitant Holopherne, dont la représentation est une des plus fidèles à la description de l’épisode biblique, et propriété à l’origine du banquier génois Ottavio Costa, proche de la gestion des finances ecclésiastiques. Selon certains spécialistes, ce serait Fillide, une courtisane siennoise, qui se cacherait derrière les traits de Judith, également modèle pour Sainte Catherine et Marie Madeleine

Dans la section Musique et nature morte, Le joueur de luth, commandé par Vincenzo Giustiniani, mélomane et collectionneur d’instruments de musique, est l’un des plus célèbres chefs-d’oeuvre du maître, aujourd’hui propriété du musée de l’Ermitage. Restauré en décembre 2017, il est présenté pour la première fois depuis sa restauration dans le cadre d’une exposition temporaire.

On admirera également Le jeune Saint Jean-Baptiste au bélier, Saint Jérôme écrivant, où le saint est représenté en vieillard érudit, la plume à la main et les doigts tachés d’encre, Saint François en méditation, oeuvre peut-être offerte à Monseigneur Bendetto Ala, gouverneur de Rome, dans l’espoir que celui-ci intercède en faveur du Caravage auprès du pape pour obtenir sa grâce après le meurtre de Tomassoni, mais également l’Ecce Homo, du latin « Voici l’homme », prononcé par Ponce Pilate, procurateur romain de Judée, lorsqu’il présenta le Christ au jugement du peuple. Datant de 1605, cette peinture pourrait être le résultat d’un concours qui aurait opposé Caravage à d’autres artistes pour la réalisation d’un Ecce Homo pour Monseigneur Massimi. Quant au Souper à Emmaüs, réalisé en pleine fuite après le duel et la mort de Ranuccio Tomassini, il sera envoyé à Rome, et acquis par Ottavio Costa, déjà propriétaire de Judith décapitant Holopherne. Le souper à Emmaüs est une oeuvre importante dans l’évolution artistique du Caravage car, en plus de renvoyer à la situation personnelle de l’artiste et à ses mois de fuite et d’isolement, sa technique picturale isole de plus en plus les personnages de ses tableaux dans des fonds sombres et ténébreux.

Enfin, concluant la visite et pour la première fois exposées ensemble, deux Madeleine en extase, probablement elles aussi réalisées durant sa fuite. Si la première, dite Madeleine Klain, est connue depuis longtemps, son double n’a été découverte qu’en 2015, et est présenté en Europe pour la toute première fois, posant ainsi la question de la duplicité que le Caravage aurait fait de certaines de ses œuvres…

Une exposition sublime qui marque d’un grand coup l’agenda artistique de cette fin d’année.

Caravage à Rome. Amis et ennemis, jusqu’au 28 janvier 2019 au musée Jacquemart-André.

Si vous désirez aller plus loin :

Caravage a Rome, le hors-série de l’exposition, aux éditions Connaissance des Arts. 9,50€.
Dans le miroir du Caravage, de Francesco Fioretti, aux éditions Pocket. 352 pages. 6,95€.
La course à l’abîme, de Dominique Fernandez, aux éditions Livre de Poche. 790 pages. 9,40€.
Caravage, de Manuel Jover, aux éditions Terrail. 255 pages. 10,00€.
Caravage, l’oeuvre complet, de Sébastian Schutze, aux éditions Taschen. 524 pages. 15,00€.

Et pour la jeunesse :

Le Caravage, revue Dada, aux éditions Arola. 52 pages. 7,90€.
Ma petite histoire de l’art en 50 énigmes et jeux, de Eva Bensard et Fransoua, aux éditions Place des Victoires. 64 pages. 14,95€.
L’histoire de l’art racontée aux enfants, aux éditions La librairie des écoles. 94 pages. 16,50€.
L’histoire de l’art en 3 minutes chrono, aux éditions Le courrier du livre jeunesse. 96 pages. 12,90€.

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