De Schiele à Beckmann, les autoportraits s’exposent à la Neue Galerie de New York

Première exposition consacrée à l’autoportrait allemand et autrichien de 1940 à 1945, The self-portrait. From Schiele to Beckmann, présentée jusqu’au 24 juin 2019 à la Neue Galerie de New York, brosse plus de quatre décennies de ce genre artistique à travers soixante-dix œuvres d’une trentaine d’artistes, des noms les plus illustres aux plus confidentiels.

Déjà présent dans l’Antiquité ou l’Egypte Ancienne, l’autoportrait connaît un essor à la Renaissance et atteint son apogée durant le Siècle d’Or Hollandais avec ses représentants les plus illustres, d’Albrecht Dürer à Johann Christian Ruprecht et Hans Von Aachen, en passant par Rembrandt, maître incontesté du genre qui réalisa au cours de sa carrière quelques quatre-vingt autoportraits. Quoi de plus normal donc que l’exposition s’ouvre sur des gravures et des huiles sur cuivre du 17ème siècle provenant du Kunsthistorisches Museum de Vienne, ou de la Morgan Library & Museum de New York.

Egon Schiele, figure essentielle du Modernisme allemand, peut aisément être comparé au maître flamand Rembrandt. Schiele hissera en effet l’autoportrait à un niveau jusque-là rarement atteint, et sera l’un des premiers peintres modernes à se prendre comme principal sujet pour une centaine de ses toiles et dessins hors de toute conventions sociales, dialoguant avec la mort et l’érotisme, des thèmes récurrents. Les neuf gouaches, aquarelles et dessins, ainsi que la rare sculpture réalisée en 1917 actuellement exposés proviennent tous de collections particulières.

A l’instar de Max Beckmann qui, dans un style plus conventionnel, s’illustrera en créant certains des plus beaux autoportraits du 20ème siècle, se représentant dans une multitude de situations et de tenues au gré des différents régimes politique de l’Allemagne, de la République de Weimar à la dictature nazie qui détruira ses œuvres, puis enfin l’exil. Des créations qui pouvaient parfois prendre des années avant d’être achevées, comme l’Autoportrait avec corne, conservé à la Neue Galerie, débuté en 1933 en Allemagne et achevé cinq ans plus tard à Amsterdam, où il vécut une dizaine d’années. Une ville qui aura sur son travail et sa vie privée une grande influence.

Si les conditions de travail de ces deux artistes étaient confortables, chevalets et huiles à disposition, il n’en fut pas de même pour Felix Nussbaum, auquel le Musée d’Histoire et du Judaïsme a consacré il y a quelques années une très belle rétrospective. Les représentations qu’il fait de lui-même, Juif plongé dans la terreur et la misère de l’Allemagne nazie, sont à la fois un témoignage et un exutoire. Autoportrait dans le camp, réalisé en 1940 à Bruxelles alors qu’il vivait dans la clandestinité, et Autoportrait avec la carte d’identité juive en 1943 en sont les plus parfaits exemples. La peinture comme forme de résistance pour cet artiste assassiné à Auschwitz.

L’exposition propose également un focus sur les femmes artistes. A ce titre, il convient de noter la présence exceptionnelle de l’Autoportrait avec deux fleurs dans la main gauche, entré il y a tout juste six mois dans les collections du MoMA et de la Neue Galerie, où il est exposé pour la première fois, ainsi que l’Autoportrait du sixième anniversaire de mariage, signés Paula Modersohn-Becker. Ce dernier est également le premier autoportrait d’une femme artiste se représentant enceinte. Paula Modersohn-Becker décédera à l’âge de 31 ans des suites de son accouchement.

Deux toiles d’un autre peintre incontournable de la Sécession viennoise, Oskar Kokoschka, provenant du MoMA et du Saint Louis Art Museum, sont également à découvrir dans le parcours de l’exposition, ainsi que des dizaines d’autres signées Ernst Ludwig Kirchner, Ferdinand Hodler, Lovis Corinth, Otto Dix, Paul Klee, Emil Nolde, ou encore des clichés de l’écrivain et photographe dadaïste Raoul Hausmann ou Herbert Mayer, étudiant à l’école Bauhaus et élève de Wassily Kandinsky, Paul Klee ou László Moholy-Nagy.

Le parcours de visite s’achève sur quatre lithographies et aquarelles sur papier, dont la célèbre Affiche de la 49ème Exposition de la Sécession réalisée en 1918 par Egon Schiele. Alors que cette nouvelle édition de la Sécession aurait dû être présidée par son maître-fondateur Gustav Klimt, celui-ci s’éteint un mois avant la manifestation. Schiele se charge donc de l’organisation de l’événement, et propose une affiche intitulée La compagnie à table, le montrant lui-même attablé autour d’autres artistes.

Mêlée à des œuvres de sa propre collection, l’exposition The self-portrait. From Schiele to Beckmann est le fruit d’une étroite collaboration avec de nombreux collectionneurs privés et institutions internationales de Suisse ou des Etats-Unis, et bien entendu d’Allemagne et d’Autriche auxquelles la Neue Galerie est consacrée.

A visiter impérativement si vous êtes de passage à New York dans les prochaines semaines.

The self-portrait. From Schiele to Beckmann, jusqu’au 24 juin 2019 à la Neue Galerie de New York.

Si vous désirez aller plus loin :

Autoportraits, de Rembrandt au selfie, de Sylvie Ramond et Stéphane Paccoud, aux éditions Snoeck. 288 pages. 39,80€.
Egon Schiele : Narcisse écorché, de Jean-Louis Gaillemin, aux éditions Découvertes Gallimard. 160 pages. 16,20€.
Egon Schiele. Dessins et aquarelles, de Ivan Vartanian et Jane Kallir, aux éditions Hazan. 496 pages. 35,50€.

Et pour la jeunesse :

Le petit Egon Schiele, de Catherine Deduve, aux éditions Kate Art. 32 pages. 9,95€.
Egon Schiele, Xavier Coste, aux éditions Casterman. 66 pages. 18,00€.
Les Grands Peintres. Egon Schiele, « Le cardinal et la nonne », de Dimitri Joannidès et Nicolas Sure, aux éditions Glénat. 56 pages. 14,50€.

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