Pour la toute première fois, un musée français consacre une exposition à un couple mythique du Modernisme et du Bauhaus : Anni et Josef Albers.
Peintures, dessins, textiles, mobiliers, lettres, carnets de notes, photographies… En tout, ce sont plus de 350 œuvres qui sont présentées dans cette très riche — et très grande — exposition qu’accueille actuellement, et jusqu’au 9 janvier 2020, le Musée d’Art Moderne de Paris.
C’est à la toute jeune école du Bauhaus de Weimar que le couple se rencontre en 1922. A l’instar des autres étudiants de la prestigieuse institution, Anni et Josef Albers placent la notion de « fonction » au cœur de leur réflexion, visant à démocratiser l’art et le rendre disponible à tous.
Lorsqu’il intègre l’école Bauhaus en 1920 à trente-deux ans, Josef est l’un des étudiants les plus âgés. Mais ses idées et son inspiration sont sans limite. Sauf financière peut-être… Il est vrai qu’en ce début des années 20, la situation économique de l’Allemagne, à peine sortie de la Première guerre mondiale, n’est pas très favorable. Qu’importe : c’est dans les décharges de Weimar qu’il va chercher la matière nécessaire à ses créations.
Avec des morceaux de verre et de ferraille récupérés ici et là, il compose ses premières œuvres et fait de la lumière et de la transparence son sujet principal, livrant des compositions aussi éclectiques que surprenantes.
Un peu trop d’ailleurs. Nous sommes au Bauhaus, mais tout de même !
À deux doigts d’être renvoyé par Walter Gropius, l’emblématique fondateur de l’école, Josef Albers tient bon et ne cède rien sur ses choix. Un pari risqué mais… payant. Il est autorisé à rester, et même à ouvrir un atelier de verrerie dans l’établissement. Il deviendra par la suite directeur technique de ce département, se partageant l’enseignement avec Paul Klee, directeur artistique.
« Le but de toute activité plastique est la construction ! […] Architectes, sculpteurs, peintres, nous devons tous revenir au travail artisanal, parce qu’il n’y a pas “d’art professionnel”. Il n’existe aucune différence essentielle entre l’artiste et l’artisan. »
Manifeste du Bauhaus.
Quant à Annelise Fleischmann, dite Anni, c’est dans l’atelier de tissage qu’elle fera ses premiers pas dès 1923. Malgré son avant-gardisme et l’égalité homme-femme qui régnait au Bauhaus, les traditions ont la dent longue.
Janvier 1933 marque l’arrivée au pouvoir d’Hitler, et quelques mois plus tard l’école Bauhaus est fermée. A la demande de Philip Johnson, conservateur du prestigieux MoMA de New York, Anni et Josef Albers sont invités aux Etats-Unis pour y enseigner au Black Moutain College, une école expérimentale inspirée de l’établissement de Weimar et basée à Asheville, en Caroline du Nord. Le couple cherchera à y prolonger les valeurs du Bauhaus.
Au-delà des Etats-Unis, l’Amérique Latine aura également sur le couple un impact considérable.
Ils y voyageront une douzaine de fois, intégrant dans leurs œuvres de nouvelles formes, de nouvelles couleurs tout droit importées du Mexique ou du Pérou.
Contrairement à son époux, catholique, Anni Albers, née Fleischmann, est issue de la bourgeoisie juive de Berlin. Rien de très étonnant donc à ce que dans les années 50 et 60, elle reçoive deux commandes pour la synagogue de Dallas et la congrégation B’nei Israel du Rhode Island. Six Prayers, la série de six panneaux tissés à la main, répond à une commande du Jewish Museum de New York en mémoire aux victimes de la Shoah. Ils sont présentés ici pour la première fois.
Conçue de manière chronologique et réalisée en collaboration avec The Josef and Anni Albers Foundation du Connecticut, Anni et Josef Albers. L’art et la vie sera présentée à l’Instituto Valenciano de Arte Moderno de Valence à partir du 15 février 2022.
Anni et Josef Albers. L’art et la vie, jusqu’au 9 janvier 2022 au Musée d’Art Moderne de Paris.
Si vous désirez aller plus loin :
Anni et Josef Albers. L’art et la vie, le catalogue de l’exposition, aux éditions Paris Musées. 280 pages. 42,00€.
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