Parfois méconnu, jusqu’en 1939 le cinéma d’Europe Centrale — et de Pologne notamment — n’avait rien à envier à l’usine à rêves qu’est Hollywood, à qui il a offert certains de ses plus grands acteurs et réalisateurs.
C’est ce « vide historique » que tente en quelque sorte de combler le réalisateur polonais Jacek Papis avec son reportage Hollywood sur la Vistule, actuellement proposé dans le cadre du festival Dia(s)porama.
En 1894, bien avant les frères Lumière, l’entrepreneur Kazimierz Proszynski invente le « pléographe », prototype de ce qui deviendra par la suite la caméra, et livre les premières images animées. Puis il fonde en 1901 le deuxième studio cinématographique de Pologne, qui peinera toutefois à se développer en raison du manque de capitaux. Proszynski sera déporté et assassiné à Mauthausen en mars 1945.
Inexistante durant plus d’un siècle, partagée entre divers occupants, la Pologne n’existe et ne brille que par sa culture et sa langue. Au début du 20ème siècle, avec près de trois millions de juifs sur son territoire, le yiddish est la troisième langue officielle. Rien d’étonnant donc que des studios se spécialisent dans les films et documentaires à thèmes juifs : Mordechaj Towbin, Samuel Ginzburg et Paweł Goldman fondent Kantor Sila, un studio qui n’existera que deux ou trois ans, avant de céder la place à Kosmofilm, qui va sortir autant de productions en polonais qu’en yiddish. Vingt films en deux ans !
Et ce n’était que le début… Sur un peu plus de cent-cinquante films en yiddish tournés entre 1910 et 1950 dans le monde, la moitié ont été tournés en Pologne.
Les thèmes explorés restent souvent les mêmes : on évite la politique et on met en lumière les traditions juives, comme le célèbre Dibbouk par exemple, rare film en yiddish de 1937 à nous être parvenu. Aucun des films muets n’arrivera en revanche jusqu’à nous.
Dans les années 20, le haut de l’affiche est tenu par les studio Sfinks, notamment grâce à sa plus grande star Pola Negri, qui quitte Varsovie pour Berlin, puis Hollywood. Le cinéma muet franchissant les barrières de la langue et de l’accent, Pola Negri atteint son apogée outre-Atlantique à cette époque. Mais là encore, sur les huit films muets qu’elle a tourné, seuls quelques extraits de Bestia, en 1917, survivront.
Quelques années plus tôt, à son retour d’un voyage sur le Vieux continent, un journaliste demande à Charlie Chaplin ce qu’il avait trouvé de plus beau en Europe. Ce à quoi il répondit “Pola Negri”.
La Seconde Guerre mondiale et le drame de la Shoah mettront un terme à l”âge d’or” du cinéma yiddish d’Europe Centrale. Hollywood sur la Vistule nous replonge dans cette époque à jamais disparu.
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