« The Wild One » : Hollywood années 50, par Tessa Louise-Salomé

Il était une fois Jack Garfein, cinéaste américain des années cinquante et soixante, quelque peu tombé aujourd’hui dans l’oubli et auquel ce film rend hommage.

Dans les années cinquante, aux États-Unis, on voit apparaître la figure d’un homme qui va révolutionner l’art du jeu de comédien. Il se nomme Lee Strasberg, le créateur de l’Actors studio. Parmi les proches de Strasberg figurent Elia Kazan, l’ambitieux créateur de Sur les quais et À l’Est d’Eden, et un tout jeune homme à l’époque : Jack Garfein.

Tout comme Lee Strasberg, Jack Garfein est persuadé que l’art du comédien consiste à puiser dans ses expériences émotionnelles les plus intimes, à aller chercher au fond de lui les situations vécues qui s’apparentent le plus possible au rôle qu’il doit interpréter, et que, par conséquent, l’art du jeu dépend profondément de l’inconscient du comédien.

Cette théorie, on peut penser que Jack Garfein la vécut dans sa chair même.

Il était né en 1930, quelque part en Tchécoslovaquie, dans une humble famille juive, et, au moment de l’invasion nazie, ses parents et lui trouvèrent refuge en Hongrie, au prix d’une marche longue et pénible.

Le refuge s’avère précaire : les nazis déportent aussi les juifs hongrois, en dépit des accords qui avaient été signés et, à treize ans, Jankush, le futur Jack, se retrouve à Auschwitz. Il va connaître successivement sept camps de déportation avant d’être miraculeusement sauvé par l’arrivée des Alliés.

Jack Garfein a coutume de dire que c’est à Auschwitz qu’il a pris ses premiers cours de comédie : lorsque les soldats allemands lui demandent de les accompagner dans un baraquement dans l’unique but sordide de satisfaire leurs pulsions sexuelles, Jack feint d’être malade, et donc contagieux. Il tousse et cette toux est son premier numéro d’acteur. Cette toux lui sauve la dignité et, sans doute, la vie.

Pas étonnant que, par la suite, devenu réalisateur de cinéma aux États-Unis, Jack Garfein insuffle à ses films quelque chose de son expérience.

Le premier, The Strange One, en 1957, est inspiré de la pièce à succès End As A Man et le récit se situe dans les milieux militaires où règnent la tyrannie, le chantage et les menaces physiques, mais également la ségrégation raciale. Garfein signe un film violent, sans concession, défendu par le tout jeune prodige Ben Gazarra.

Résultat : Hollywood s’insurge et le film est censuré, on en coupe vingt minutes qui sont jugées « à caractère homosexuel ». Garfein est désormais blacklisté par les producteurs.

C’est tout juste si Garfein parviendra à réaliser un second film, Something Wild, en 1961, dans lequel son épouse de l’époque, Carol Backer, interprète une jeune femme victime d’un viol. La scène choque le public à cause de son réalisme violent.

Tel était le cruel destin de Jack Garfein qui ne pouvait raconter que des histoires directement issues de son cauchemar personnel : l’art se nourrit de l’inconscient, l’art ne peut être, au final, que l’expression suprême de la vie elle-même.

The Wild One, de Tessa Louise-Salomé, sera sera présenté du 17 janvier au 2 février 2023 dans le cadre du festival Dia(s)porama, proposé par le département Art et Culture du FSJU :

Dans le cadre du partenariat entre Cultures-J et le FSJU, nous sommes heureux de vous informer que nos lecteurs bénéficient d’une remise de 15% sur l’ensemble des billets à l’unité et Pass Festival sur toute la programmation en ligne. Pour bénéficier de cette remise, insérez le code DiaspoFree2023@ au moment de votre règlement.

Incoming search terms:

  • https://cultures-j com/the-wild-one-tessa-louise-salome/

Partagez vos impressions

Cet article vous intéresse ? Laissez un commentaire.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.