Avec la disparition d’Abraham-Béhor et de Nissim, les rênes de l’empire familial reviennent à l’aîné des Camondo : Isaac.
Arrivé en France à l’âge de 18 ans, il est rapidement promu fondé de pouvoir à la « Isaac Camondo & Cie », et est en charge des liens entre l’empire Ottoman et la famille Camondo.
Portant plus d’intérêt à ses plaisirs artistiques qu’à la prospérité de la banque familiale, il se consacre très tôt à enrichir de plus en plus son impressionnante collection d’œuvres d’art. Passionné par l’Extrême-Orient – il possède déjà estampes, laques, céramiques…, il se distingue de manière ostentatoire en remportant la plus grande partie de la vente du baron Léopold Double, composée de tables, chaises et commodes de style 18ème, ainsi que l’objet-phare de la vente, la pendule des trois grâces, de Falconet, qu’il remporte pour la somme indécente de 100.000 francs. Défenseur des impressionnistes, ami de Claude Monet, il acquiert également au fil des années une trentaine d’œuvres de Delacroix, Degas, Pissarro, Corot, Renoir…
Mais l’intérêt du jeune héritier ne se porte pas uniquement sur la peinture, la sculpture ou les arts décoratifs. Vouant une véritable fascination à Wagner, fascination qui le conduira à assister au tout premier festival de Bayreuth en 1876, il compte également parmi son cercle d’intimes Claude Debussy ou encore Gabriel Fauré.
Le début du 20ème siècle sera marqué par la naissance de deux garçons, Jean-Bertrand et Paul-Bertrand, qu’Isaac aura avec Lucy Berthet. Bien que légitimes, il refusera toujours de les reconnaître, fidèle à sa conception de ne pas se construire de situation familiale.
Si Isaac ne se projette pas dans une vie conventionnelle, Moïse, son jeune cousin, lui, ne se voit pas banquier… Sportif, élégant – bien que borgne suite à un accident de chasse, il voue une véritable passion à l’automobile. Au volant de Panhard-Levassor, de Bugatti, de Dion-Bouton, il participe régulièrement à diverses courses et rallyes. Grand voyageur, il parcourt l’Europe et en profite pour fréquenter assidument antiquaires et marchands d’art, accumulant par la même occasion, à l’instar d’Isaac, et sur les bons conseils de Carle Dreyfus, conservateur au musée du Louvre, une élégante collection d’art exclusivement consacrée au 18ème siècle.
Autant préoccupé à fonder une famille qu’à se faire un nom dans la société mondaine, il épouse à la fin de l’année 1891 Irène Cahen-d’Anvers, fille d’une des plus influentes personnalités de la haute finance parisienne. Arrivés à Paris une vingtaine d’années avant les Camondo, les Cahen-d’Anvers voient dans cette union une véritable opportunité d’asseoir l’influence et la puissance de deux des plus prestigieuses lignées parisienne, toutes deux juives de surcroît. Le jeune couple aura deux enfants, Nissim — prénom choisi par Moïse en hommage à son père —, qui nait en 1892, et Béatrice, en 1896.
Malgré cette vision idyllique d’un bonheur conjuguant à la fois famille, fortune et puissance, le couple se sépare. Quelques mois après la naissance de Béatrice, Irène fait la connaissance du comte Sampieri, de qui elle s’éprend. Cet évènement provoquera un véritable raz-de-marée dans la communauté juive parisienne. En effet, pour pouvoir épouser Sampieri, Irène Cahen-d’Anvers divorce de Moïse de Camondo, et… se convertit au catholicisme.
En 1910, Elise Fernandez, la mère de Moïse, meurt, laissant à son fils unique l’hôtel particulier du 63 rue Monceau. Peu adaptée à la fonction qu’il envisage pour lui, le bâtiment est rasé, et Moïse confie à l’architecte René Sergent la responsabilité d’ériger en lieu et place une demeure digne de recevoir sa considérable collection. Largement inspiré du Petit Trianon de Versailles, Sargent signera avec ce chantier sa plus belle œuvre.
En 1911, Isaac de Camondo, succombant à une embolie, est retrouvé mort dans sa chambre par son valet. Rapidement confronté aux dispositions établies par son cousin, Moïse, en plus d’hériter de la banque et des actions et obligations familiales, doit gérer le legs de la collection de son cousin : 130 aquarelles, pastels, dessins, peintures parmi lesquels Le fifre d’Edouard Manet, les Cathédrales de Rouen de Claude Monet, La maison du pendu de Cézanne, et plus de 400 estampes japonaises entrent ainsi dans les collections de l’Etat français. Toutefois, la collection Isaac de Camondo est léguée au musée du Louvre, à condition d’être présentée pendant au moins cinquante ans dans des salles portant le nom du défunt.
Parallèlement, et après trois ans de travaux, l’hôtel particulier du 63 rue Monceau est enfin achevé, et prêt à accueillir et à y abriter ses hôtes. Mais quelques mois plus tard, le 28 juin 1914, l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’empire austro-hongrois, est assassiné à Sarajevo. Un évènement qui scellera non seulement la destinée de Moïse, mais également celui de toute la dynastie Camondo.
<< 1ère partie
Si vous désirez aller plus loin :
Le dernier des Camondo, de Pierre Assouline, aux éditions Folio. 338 pages. 8,40€.
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C’est une historiette que j’ecris pour rutaliblog ,le Comte Moïse de Camondo est le banquier d’une riche Marquise , mais si tout est inventé ,tout doit être plausible .
Je connaissais l’histoire si triste de cette famille,la mort de Nissim ,la déportation de sa fille .je vais lire le livre d’Assouline .
Bonjour, et shavoua tov.
Merci pour votre commentaire. N’hésitez pas à visiter le musée si vous êtes sur Paris, ou de passage. C’est une demeure magnifique. 🙂
Particulièrement intéressant j’ignorais l’histoire de cette lignée
Merci pour ce bel ouvrage
Merci pour cette remarque :o) Nous corrigeons.
Bonjour, une petite coquilles s’est subrepticement glissée dans le titre de cet article :
« les *rênes de l’empire familial reviennent à l’aîné des Camondo »,
les rennes étant les cervidés des régions arctiques et subarctiques de l’Europe, de l’Asie et de l’Amérique du Nord.