Les Camondo, une dynastie de Constantinople à Auschwitz (3ème partie)

Lorsqu’éclate la Première guerre mondiale, Nissim est âgé de vingt-deux ans. De nationalité française — il est le premier Camondo à être né sur le sol français —, il est mobilisé le 1er août 1914 et met un point d’honneur à intégrer l’armée, à la fois en tant que patriote, mais aussi en tant que Juif.

Au cours de cette période troublée, le jeune homme entretiendra avec son père et sa sœur Béatrice une relation épistolaire quasi-quotidienne. Riches de descriptions imagées précises, ces lettres permettent à sa famille de suivre au jour le jour les événements auxquels il participe.

L’année suivant le début du conflit, Nissim est promu sous-lieutenant et demande son intégration dans l’aviation en tant qu’observateur et début 1916, il est affecté à l’escadrille MF33. En juillet de la même année, il passe et obtient son brevet de pilote. Malheureusement, au cours d’une mission de reconnaissance en Lorraine, en septembre 1917, des tirs ennemis touchent son appareil, qui s’écrase au sol.

La mort de Nissim sera un véritable drame pour Irène Cahen d’Anvers, Béatrice, ainsi que pour Moïse. Se retirant peu à peu de la vie publique et du monde des affaires—– après la perte de son unique fils, à quoi bon poursuivre ? —, Moïse, désormais « le dernier Camondo », est déterminé à honorer la mémoire du défunt, tombé pour la France, et à immortaliser son nom. Aussi décide-t-il qu’à sa mort, l’intégralité de sa collection, qu’il continuera d’enrichir jusqu’à la fin de sa vie, ainsi que son hôtel du 63 rue Monceau, seraient légués à l’Etat français.

La guerre terminée, Béatrice épouse Léon Reinach, un musicien, de qui elle aura deux enfants, Fanny, née en 1920, et Bertrand, trois ans plus tard. Avec l’arrivée du nouveau-né, la famille Reinach quitte l’hôtel de la rue Monceau pour s’installer à Neuilly, en région parisienne.

L’année 1935 sera à nouveau marquée par le deuil, celui de Moïse, qui s’éteint à l’âge de soixante-quinze ans. Béatrice mettra un point d’honneur à faire appliquer les dernières volontés de son père quant au legs de sa collection aux Arts Décoratifs. Avec ce don, Moïse de Camondo aura contribué de manière significative, à l’instar de cousin Isaac, à l’enrichissement du Patrimoine culturel de la France.

Béatrice possède également quelques œuvres de grande valeur, parmi lesquelles une Petite fille au ruban bleu de Renoir, qui sera exposée au musée de l’Orangerie en 1933 ainsi qu’à la galerie Bernheim-Jeune en 1938. Ce tableau n’est autre qu’un portrait de sa mère, Irène Cahen d’Anvers, que cette dernière lui a offert. Spolié par les nazis en juillet 1941, ce tableau fera partie d’un lot qu’Hermann Goering a exigé en vue d’un échange contre d’autres œuvres. A l’été 1946, Irène le retrouvera dans une exposition consacrée aux chefs-d’œuvre français retrouvés en Allemagne. Il est aujourd’hui exposé à la fondation Bührle, à Zurich.

« Portrait d’Irène Cahen d’Anvers », par Auguste Renoir, 1880 (© Fondation Bührle, Zurich)

Au début de l’année 1942, Béatrice, récemment séparée de Léon Reinach, se convertit au catholicisme, et est baptisée chez les bénédictines de Vanves. Léon Reinach, qui a obtenu la garde de son fils Bertrand – Fanny étant restée avec sa mère à Neuilly –, décide de fuir la zone occupée et se réfugie à Pau.

La fin de l’année 1942 s’avèrera également être la fin d’un monde. Béatrice et Fanny sont arrêtées à Neuilly le 5 décembre, et une semaine plus tard, ce sera au tour de Léon et de Bertrand, trahis par leur passeur au moment de leur passage en Espagne. Internés à Drancy, Léon, Fanny et Bertrand sont déportés à Auschwitz le 20 novembre 1943 avec 1.200 autres Juifs, et Béatrice le 7 mars 1944. Aucun d’entre eux ne reviendra.

De cette illustre lignée, souvent appelée « les Rothschild de l’Orient », il ne reste plus aujourd’hui que l’hôtel et la collection de la rue Monceau. Fermée pendant toute la durée de la guerre, ce qui a permis de la préserver du pillage, cette demeure si chère aux yeux de Moïse a pu rouvrir avec l’intégralité de sa collection.

Si vous désirez aller plus loin :

Le dernier des Camondo, de Pierre Assouline, aux éditions Folio. 338 pages. 8,40€.
Les Camondo ou l’éclipse d’une fortune, de Sophie le Tarnec et Nora Seni, aux éditions Babel. 480 pages. 9,80€.
Correspondance et journal de campagne de Nissim de Camondo (1914-1917), de Nissim de Camondo, aux éditions Musée des Arts Décoratifs. 276 pages. 39,00€.
Musée Nissim de Camondo, la demeure d’un collectionneur, de Marie-Noël de Gary, aux éditions Musée des Arts Décoratifs. 320 pages. 50,00€.
Le mobilier du musée Nissim de Camondo, de Sylvie Legrand-Rossi, aux éditions Faton. 228 pages. 75,00€.

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