« One of us » : focus sur la part obscure du judaïsme hassidique

Réalisé par Heidi Ewing et Rachel Grady, One of us, « L’un des nôtres » en français, a été présenté en première mondiale en septembre dernier dans le cadre du Toronto International Film Festival.

Ce reportage, aussi émouvant que surprenant, lève le voile sur l’une des communautés religieuses les plus traditionnelles et les plus fermées du monde : le mouvement ultra-orthodoxe hassidique. Né en Europe de l’Est au 18ème siècle, solidement implanté aux Etats-Unis, où des milliers de juifs se sont réfugiés avant et pendant la Shoah, la communauté hassidique forme un monde à part, replié sur lui-même, vivant en totale autarcie. Un monde dans lequel on naît, dans lequel on est élevé, dans lequel on se marie, et qui fournit à ses membres l’ensemble de ses besoins, afin que n’intervienne aucune aide extérieure.

Autant dire que quitter cette communauté relève de l’impossible.

C’est pourtant ce qu’ont fait Etty, Ari et Luzer, avec l’aide de l’organisme new-yorkais Footstep, une association qui assiste les hassidiques souhaitant quitter leur communauté. En s’infiltrant pendant plusieurs années au sein de ce groupe de soutien, de Borough Park à Williamsburg et jusqu’à la côté Ouest, Heidi Ewing et Rachel Grady sont parvenues à mettre au jour les diverses faces d’un monde dans lequel l’accès à internet est banni, le yiddish l’emporte sur l’anglais, et la Loi religieuse prévaut sur celle du Gouvernement. Avec, bien entendu, les nombreuses dérives que cela suppose…

Tout d’abord, nous faisons la connaissance d’Etty, mère de sept enfants, et mariée à un homme qui la maltraite. Lorsqu’Etty décide de partir, devenue de fait une paria au sein même des siens, elle se retrouve menacée, harcelée, attaquée.

Ses amies ou voisines d’autrefois, à qui elle a eu le tort de se confier, se liguent alors contre elle, et livrent des témoignages indiscrets servant les intérêts de son époux. Un époux qui, grâce à l’appel aux dons lancé auprès des membres de la communauté, peut s’offrir les meilleurs avocats pour affaires conjugales, et bien évidemment remporter la garde des enfants, qui appartiennent non pas à leurs parents, mais avant tout à la communauté, qui a le pouvoir sur l’éducation pour mieux les contrôler.

Ensuite Ari, jeune garçon abusé dans son enfance, qui ne souhaite « plus vivre dans le mensonge », et va devenir « le plus heureux des hommes » en découvrant internet, Wikipedia, et surtout le cheeseburger. Mais quitter la communauté hassidique et se retrouver livré à soi-même dans une société de laquelle on ignore tout, jusqu’à la langue parfois, peut aussi se transformer en cauchemar, et mener vers une longue et lente descente aux enfers. Pris dans une spirale, isolé, les dépressions, les tentatives de suicide ou la consommation de drogues deviennent monnaie courante. Et la seule issue dans ces cas extrêmes est bien souvent le retour au point de départ, dans cette communauté que l’on a fuie, et qui reste paradoxalement la seule issue possible.

Vient enfin Luzer, qui a quitté New York et la côte Est pour s’installer à Los Angeles et vivre son rêve américain : devenir acteur. Marié à l’âge de 19 ans et divorcé trois ans plus tard, père de deux enfants qu’il a du abandonner à son épouse, lui évitant ainsi un procès au cours duquel il ne souhaitait pas se battre pour « défendre son mode de vie », Luzer vit dans un camping-car et court les auditions. C’est d’ailleurs le cinéma qui a fait découvrir à Luzer la « vie civile ». Des films qu’il regardait caché dans sa voiture pour ne pas être vu… Luzer a réalisé une partie de son rêve puisque récemment, on a pu le voir dans le film canadien Felix et Meira, de Maxime Giroux, dont le sujet traite justement de la liberté et de la condition féminine au sein de la communauté hassidique. Il n’y a pas de hasard…

Un documentaire passionnant qui fait réagir, et met en lumière les aspects sombres de la communauté hassidique de New York, qui compte plus de 300.000 membres politiquement engagés et dépendant des aides du Gouvernement américain. Environ 2% de ceux qui tentent de quitter la communauté y parviennent.

A voir sans tarder !

Si vous désirez aller plus loin :

Le rabbi de Kotzk : un hassidisme tragique, de Catherine Chalier, aux éditions Arfuyen. 14,00€.
La naissance du hassidisme : Mystique, rituel, société (XVIIIe-XIXe siècle), de Jean Baumgarten, aux éditions Albin Michel. 613 pages. 27,40€.
Les récits hassidiques, tome 1, de Martin Buber, aux éditions Points. 438 pages. 17,80€.
Les récits hassidiques, tome 2, de Martin Buber, aux éditions Points. 322 pages. 24,00€.

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