« Bunker » : une tragédie épistolaire sur la scène du théâtre Tristan Bernard

Sur les planches du théâtre Tristan Bernard se joue actuellement une pièce remarquable et terrible à la fois : Bunker, de Christian Siméon ; une pièce sous la forme d’une correspondance fictive — mais documentée à partir d’extraits de journaux, de lettres, de biographie et de témoignages — autour de Magda Goebbels, première dame du Reich. Edifiant !

Entre 1916 et 1945, un échange épistolaire a lieu entre Magda, lumineuse Julie Depardieu, et Stefan Druet-Toukaieff qui interprète différents interlocuteurs masculins dans une mise en scène de Johanna Boye.

On y découvre une femme libre, généreuse et idéaliste. Elle tombe même amoureuse de ‘Haïm Arlozoroff, jeune juif russe sioniste qui lui proposera de la suivre à Jérusalem. Puis, elle se marie avec un riche industriel, Quandt, duquel elle aura un fils. Finalement, elle deviendra ensuite l’épouse de Joseph Goebbels, ministre de la Propagande la plus radicale, antisémite et fanatique d’Hitler.

Elle sera le symbole de l’Allemagne qui dévore ses propres enfants, et deviendra infanticide à la défaite du reich. Cette femme adulée du régime d’Hitler, objet de fascination pour les hommes de pouvoir, symbole de la famille aryenne parfaite et véritable moteur d’éducation des masses, vivra un destin terrible qui la conduire à la tragédie qu’on connait.

Dans un jeu intense et retenu à la fois, Julie Depardieu, lumineuse dans la tragédie, lt avec grâce et humanité les terribles lettres de cette femme à la détermination farouche pour sauver l’Allemagne, et aller jusqu’au bout avec Hitler.

On la sent compatir au sort des Juifs dans les camps, mais elle s’accrochera très vite à son rêve de Grande Allemagne et clamera son admiration sans faille au Führer. D’ailleurs, à l’arrivée de l’armée russe en 1945, c’est au Füher bunker qu’elle se réfugiera avec quelques dignitaires nazis, son mari et leurs six enfants. Elle sera seule à prendre l’atroce décision de tuer ses propres enfants avec du cyanure. Cette mère infanticide, six fois Médée, refusera que ses enfants, s’ils s’en sortent, la renvoient aux actes des nazis.

« L’auteur dramatique n’est pas tenu par la vérité historique, il peut inventer, combler des vides, les magnifier. Il est un conteur… »

Christian Siméon, auteur.

Elle conclue en répétant sans cesse leurs prénoms pour s’en souvenir, ce qui n’avait pas été fait avec les milliers d’enfants juifs assassinés pendant la Shoah.

Dans un décor épuré, avec quelques accessoires et un jeu d’ombres et de lumières mettant en valeur le texte et l’interprétation, la pièce nous fascine, nous révolte et nous entraîne au plus profond de nos parts d’ombre.

Bunker. Lettres de Magda Goebbels, actuellement au théâtre Tristan Bernard.

Si vous désirez aller plus loin :

Qui a tué Arlozoroff ?, de Tobie Nathan, aux éditions Points. 416 pages. 8,10€.
Femmes de nazis, de James Wyllie, aux éditions Pocket. 464 pages. 8,60€.
Enfants de nazis, de Tania Crasnianski, aux éditions Pocket. 288 pages. 7,70€.
Magda Goebbels : approche d’une vie, de Anja Klabunde, aux éditions Tallandier. 416 pages. 10,50€.

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