Rosa Bonheur, artiste-peintre et châtelaine en son domaine…

Elle aimait les fleurs, les animaux et les femmes : on ne saurait l’en blâmer. Et, en entrant dans ce qui fut naguère son château, devenu Musée Rosa Bonheur, on ne peut qu’être saisi par l’intensité d’un tel amour.

Difficile de croire qu’elle s’est longtemps absentée puisque tout est là : ses lorgnons sur le bureau, son pantalon sur la chaise, ses grosses chaussures boueuses, le chevalet dans un coin, l’atelier photo et la palette encore couverte de peintures…

Car le lieu a été minutieusement respecté, sauvé des petites manies rénovatrices de nos architectes diplômés, demeuré tel quel, dans l’état : les murs quelque peu décrépits, les traces d’un cadre qu’on a voulu décrocher et qu’on n’a pas encore songé à remplacer, et même la poussière qui semble d’époque.

Comme si la propriétaire faisait un tour du parc et n’allait guère tarder à nous accueillir… Elle était née Rosa Bonheur, mais les patronymes ne garantissent pas forcément la félicité.

Le père, Raymond, peintre sans grand succès, s’entiche du Saint Simonisme et, par conséquent, fait vœu de célibat, abandonnant Madame et les enfants. Celle-ci, Sophie, se tue, littéralement, à sa tâche de couturière pour nourrir sa famille. Rose n’avait que onze ans lorsque disparaît sa mère. Alors, tout bonnement, le père place ses enfants, pour s’en débarrasser. Une nourrice ou le pensionnat pour les petits, l’apprentissage pour Rosa.

Mais elle se montre rétive, déjà : c’est que devenir couturière quand on a vu sa mère en mourir, et que soi-même on se rêve artiste, il ne saurait en être question !

Rosa en garde, au visage, comme une marque d’amertume, ce quelque chose qui ferme les traits, handicape le sourire, paralyse la compassion. Sa vie durant, Rosa Bonheur veut échapper à cette fatalité faite aux femmes de son époque : fatalité de se marier, d’accumuler les grossesses volontaires ou subies, de s’avachir sous le poids des tâches domestiques, des mômes et des ans, de pourvoir au bien-être du mâle, seul maître de famille.

Elle ne se mariera jamais, elle n’aura pas d’enfant, elle travaillera comme un homme, elle fera fortune comme un homme, elle portera le pantalon comme un homme. Quitte, pour ce dernier point, à solliciter tous les six mois l’autorité médicale de façon à obtenir son « certificat de travestissement ».

Elle ne veut rien devoir, en aucune manière, aux hommes. Les seuls mâles qu’elle admet autour d’elle sont les lions — dont certains déambuleront dans le château de By — et les chevaux. Car elle voue aux animaux un véritable culte : après son Labourage nivernais, qui illustrait le traitement des bœufs asservis par l’homme et dont l’intensité d’exécution et la finesse de détails lui valent les compliments de la direction des Beaux-Arts, elle s’attaque à « un sujet d’homme »: c’est Le marché aux chevaux, immense toile de cinq mètres par trois, qui provoque à la fois admiration et scandale.

Comment une femme peut-elle oser peindre des chevaux ? Comment peut-elle reprocher aux hommes de maltraiter ceux-ci ? Comment peut-elle avoir l’audace de représenter, en plein milieu de la toile, un cheval cabré qui regarde le spectateur pour mieux l’accuser ?

Rosa Bonheur réclame dix mille francs or de sa toile. Le marchand d’art belge, Ernest Gambart, lui en offre quatre fois plus. Et il a du flair car la toile est vendue à un riche américain et part pour le Nouveau Monde. Rosa Bonheur y est si connue qu’on y fabrique des poupées à son effigie. Et elle devient l’une des premières dont les œuvres vont connaître la spéculation financière.

C’est grâce à cette vente miraculeuse qu’elle peut acheter le château de By et se retirer du monde, avec ceux qu’elle aime, avec Nathalie Micas, la femme de sa vie, et avec ses animaux. Elle va ainsi se trouver dans les conditions idéales de création et, jusqu’à sa mort, produire pas moins de 15.000 œuvres.

En 1889, Rosa Bonheur a soixante-seize ans lorsqu’elle retrouve l’amour avec la toute jeune Anna Klumpke, de trente ans sa cadette, et qui connaît Rosa depuis toujours parce que, lorsqu’elle était enfant, on lui avait offert une « poupée Rosa Bonheur ».

Ainsi va le bonheur, il n’a pas d’âge, pas de frontières, pas de limites…

Château de Rosa Bonheur, 12 Rue Rosa Bonheur, 77810 Thomery.

Si vous désirez aller plus loin :

Rosa Bonheur, ouvrage collectif hors-série aux éditions Beaux Arts Magazine. 68 pages. 12,00€.
Rosa Bonheur, de Sandrine Andrews, aux éditions Larousse. 128 pages. 14,95€.
Rosa Bonheur, de Marie Borin, aux éditions Pygmalion. 444 pages. 24,30€.
Rosa Bonheur, 1822-1899, ouvrage collectif aux éditions Flammarion. 288 pages. 45,00€.

Et pour la jeunesse :

Rosa Bonheur, l’audacieuse, de Natacha Henry, aux éditions Livre de Poche Jeunesse. 304 pages. 6,90€.
Rosa Bonheur, livre de coloriage, de Catherine de Duve, aux éditions Kate Art. 24 pages. 13,95€.
Rosa Bonheur, peintre et amie des animaux, de Christelle Pécout, aux éditions Faton. 58 pages. 14,50€.

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