« Looking for Beethoven » : 1, 2, 3, 4… Si Beethoven m’était conté

« C’est un exalté libre-penseur musical, ne le fréquentez pas ; il n’a rien appris et ne fera jamais rien de propre. »

Albrechtsberger, professeur de composition de Beethoven.

Pascal Amoyel présente son nouveau spectacle musical, Looking for Beethoven, dédié au compositeur le plus joué au monde, mais aussi vraisemblablement l’un des plus mal connus, dont on célébrera le 250ème anniversaire de la naissance en 2020.

Pascal Amoyel nous entraîne sur une enquête biographique, palpitante et mystérieuse dont le fil conducteur sont les 32 sonates de Ludwig Beethoven. Elles se révèlent être le véritable journal d’une vie…

Beethoven ne fut pas que compositeur, il a été pianiste et un improvisateur hors-pair. Il n’est pas étonnant qu’il ait choisi le piano comme support pour ses 32 sonates. Il écrira pour cet instrument les plus audacieuses et les plus personnelles de ses compositions.

Ce spectacle ouvre plusieurs fenêtres pour faire naître le visage secret de l’homme : alors que la vie refusait la joie à Beethoven, il la créa lui-même dans sa musique pour en faire don à l’humanité.

Alors, entendrez-vous toujours Beethoven de la même manière ? Après avoir vu cette pièce, assurément non car celui qui est sur scène, seul avec son piano, et qui nous raconte avec une passion complètement acquise au grand compositeur n’est autre que Pascal Amoyel, grand pianiste, révélé aux Victoire de la Musique en 2005 dans la catégorie Révélation soliste instrumental.

Lauréat de nombreux concours et fondations internationales, il a reçu la grande distinction du Grand Prix du Disque à Varsovie par la prestigieuse Société Chopin pour son intégrale des Nocturnes de Chopin aux côtés de Martha Argerich et de Nelson Freire. Professeur de piano, il est comme Beethoven un grand improvisateur. Il dirige le festival Notes d’Automne qu’il a créé dans la ville du Perreux-sur-Marne. Il est également l’auteur de l’ouvrage Si la musique t’était contée et a produit une série d’émissions sur France Culture intitulées Une histoire de la musique. Premier Grand Prix Arts-Deux Magots récompensant « un musicien aux qualités d’ouverture et de générosité », Prix Jean-Pierre Bloch de la Licra pour « le rapport aux droits de l’homme dans son œuvre », il est le parrain de l’association APTE, qui dispense des cours de musique à des enfants autistes.

Pascal Amoyel se glisse dans la peau de Beethoven dont il nous explique des épisodes de vie, des premiers troubles jusqu’à l’isolement total, par le biais d’un joli programme musical qu’il interprète :

« Pathétique » (1er mouvement), op. 27/1, op. 27/2
« Clair de lune », op. 31/2
« La Tempête » (3e mouvement), op. 57
« Appassionata », op. 81a
« Les Adieux », op. 101, op. 106
« Hammerklavier », op. 109, op. 110, op. 111 

On sent l’artiste investit d’une mission. Dès le début, il nous « dévoile » sa rencontre musicale très tardive avec Beethoven. « Il faisait peur aux jeunes musiciens, il ne fallait pas y toucher. » Ses professeurs expliquaient « Cette sonate ne se joue pas avant cinquante ans !« 

Il raconte son émotion à l’écoute d’une musique, un soir dans un parc, et son étonnement quand il apprend que c’est du Beethoven. Cette musique changera tout : sa vision du musicien, et surtout sa vision de l’homme. Il va suivre les traces du Maître à Bonn et à Vienne, et ce qu’il découvre est inattendu, une révélation.

« Or qu’avais-je entendu dans ce parc ? Tout le contraire : une musique fragile, tendre, profondément humaine, qui ne s’était adressée qu’à moi, et à moi seul. Me vint alors une question : la musique de Beethoven tordant le cou à toutes les conventions de son époque, ne devais-je pas moi-même commencer par faire des préjugés de la mienne ? »

Pascal Amoyel.

Je  partage son même ressenti, Beethoven m’a suivi longtemps et longuement. A peine arrivée de Tunisie, on me fit écouter à l’école, sa 9ème Symphonie qui reste ma préférée. Nous faisions une chorale pour clôturer l’année scolaire. Nous allions chanter L’ode à la Joie. J’avais neuf ans et je fus transportée dans un monde que je ne connaissais pas, il n’y a pas de mots pour exprimer ce que j’ai ressenti, enfant.

Beethoven, avec Bach et Mozart, est le compositeur le plus joué au monde. Pourtant, il est noyé par son image d’homme rude, par les stéréotypes qu’on lui a attribué. Lui, l’homme loin des clichés austères qu’on lui alloue, loin de l’image du misanthrope hurlant sa haine du monde.  Lui, l’homme singulier, révolutionnaire et épris de justice et de vérité.

Cet homme visionnaire, humaniste, a été oublié, négligé… Pascal Amoyel y remédie, en dressant un portrait touchant. Cette enquête qui se partage entre l’intime de Beethoven et l’intime d’Amoyel nous fait percevoir un génie solitaire, triste et incompris.

L’enfance de Beethoven ne fut pas heureuse. Cela explique sans doute son caractère introverti, maussade – et son esprit rebelle. Il fut un enfant battu par son père musicien et alcoolique qui lui demandait inlassablement de faire du « Mozart ». Il le pousse vers la musique alors que Beethoven n’était pas très enclin à cela. Il arrive à l’envoyer à Vienne malgré le manque d’argent. La-bas, Beethoven y rencontre Mozart, auquel il fit une forte impression lors d’une improvisation : « Faites attention à celui-la » dit-il à la salle !

Plus tard, Haydn accepte d’être son professeur. Il veut le ranger aussi dans « la musique de l’époque » et ses conventions. Beethoven reste « sourd » à ses remarques… et continue son chemin.

Sa vie personnelle fut triste et jamais heureuse. Il tombait amoureux des filles et des femmes de ses riches mécènes. Cela se terminait toujours mal. Sa « laideur » les rebutait. Beethoven tombait en dépression. Après l’une des ces ruptures, il écrivit : 

« C’est l’art et seulement lui qui m’a retenu ! Il me semblait impossible de quitter le monde avant d’avoir fait naître tout ce pour quoi je me sentais disposé ».

Ludwig van Beethoven.

C’est à l’âge de 27 ans que Ludwig apprend sa surdité. Il se renferme sur lui-même, tombe dans la déchéance physique. Il est privé de son sens le plus important. Quelle pire condamnation pour un compositeur ? Il pense plusieurs fois au suicide. Mais la musique est plus forte, il va se prendre en main, il a une force morale plutôt puissante et une force créatrice encore plus. Il va offrir au monde une œuvre incommensurable qui est pourtant l’œuvre d’un sourd.

Le triomphe de la créativité humaine et de l’ingéniosité.

Son œuvre, très riche, comprend – entre autres – neuf symphonies, cinq concertos pour piano, un concerto pour violon, des quatuors à cordes, des sonates pour piano, deux messes, des mélodies et un opéra. Beethoven accomplira la plus importante révolution dans le domaine de la musique moderne. C’est un amour total pour l’homme et le compositeur qui est distillé tout le long de cette pièce. Sa musique fut bannie des salons, rejetée par le public. On trouvait ses compositions trop longues. Trop exaltées.

Beethoven devient colérique et aigri mais s’obstina dans sa quête de Création.

« Une sonate composée par moi n’est pas trop longue, quand bien même elle durait une heure. Accepteriez- vous de mutiler un de vos enfant sous prétexte qu’il déplaît à des imbéciles ? »

Ludwig van Beethoven.

Pendant 1h20, Pascal Amoyel va nous prouver que la  musique de Ludwig est fragile, tendre, profondément humaine. Une musique qui s’adresse à chacun de nous, à l’universel. Pour son époque, elle était trop moderne, il cassait les conventions, il apportait joie et mélancolie, fougue et accalmie, embellie et tempête dans une même partie ! Beethoven transforma ainsi la façon de composer et d’écouter de la musique. Jusqu’à sa mort, il ne cessa d’en repousser les limites.

La dynamique de la musique de Beethoven était entièrement nouvelle. Avant lui, les compositeurs écrivaient des parties calmes et des parties vigoureuses ; mais les deux étaient complètement séparées. Sa musique, au contraire, passe rapidement d’une forme à l’autre.

Pascal Amoyel, pédagogue, nous décrypte certaines compositions, la force de la main gauche, la valeur de la main droite, le rythme, la mélodie et ce, brillamment. Ses œuvres furent le point de départ d’une nouvelle école musicale, le Romantisme, qui était inextricablement lié à la Révolution Française, et donc à l’abolition des castes et conventions anciennes.

Après Beethoven, il n’était plus possible d’en revenir aux temps anciens où la musique était considérée comme un somnifère à l’usage des riches et des nobles. Ce n’est pas une musique qui apaise. Elle choque et trouble. Elle pousse à ressentir et à penser.

« Ce n’était pas des sons, mais des phrases avec des points d’exclamations, des phrases à décoder, Mozart chantait, Beethoven pensait. »

Pascal Amoyel.

Looking for Beethoven est une Ode d’amour envers le musicien le plus exceptionnel et le plus inspirant pour l’humanité.

La maîtrise parfaite du piano et une compréhension profonde et sincère de l’intention expressive de Beethoven se sont parfaitement combinées dans cette magnifique performance que Pascal Amoyel nous offre au théâtre du Ranelagh.

Il lui rend un sacré hommage ! Son amour pour Beethoven est contagieux ! Je suis rentrée à la maison et j’ai pianoté à minuit dans le noir, les premières notes de la Lettre à Elise.

On raconte que lorsque Beethoven est mort, Vienne fut sous les orages, comme ceux qu’ils nous transmettaient dans sa musique. Dame Nature aimait sa musique ! Et D.ieu aussi.

Looking for Beethoven, actuellement au théâtre Ranelagh.

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