1819-2019 : deux siècles d’histoire de la synagogue Nazareth…

Avant que ne soit ouverte la synagogue de la rue Notre-Dame-de-Nazareth, des Juifs demandaient déjà la permission d’ouvrir d’autres assemblées de prières.

Par exemple en 1816 dans le 10ème arrondissement, 3ème arrondissement aujourd’hui, les Archives de Paris soumettent ce document :

Lettre du Maire du Xème (ancien arrondissement). 31 janvier 1829. Assemblée de prières tenue illégalement.

« Culte hébraïque. Permission nécessaire aux assemblées particulières aux Juifs. »

Dans le 2ème paragraphe, article 12 du Règlement du 10  décembre 1806 sanctionné par l’un des Décrets du 17 mars 1808, Napoléon Ier prévoyait la création de Consistoires départementaux et d’un Consistoire Central. Ces deux institutions furent créées à Paris en 1809 et les sièges se trouvaient dans la synagogue de la Rue Sainte-Avoye.

Informé que le propriétaire du Temple de la Rue Sainte-Avoye avait vendu son immeuble, et que les nouveaux propriétaires refusaient de renouveler le bail, le Consistoire de Paris fit l’acquisition en 1818 d’un terrain et d’une maison situés 14 rue Neuve-Saint-Laurent, ayant une sortie rue Notre-Dame-de-Nazareth. Cet achat répondait au vœu des Israélites et à la nécessité d’avoir une synagogue à Paris qui réponde à la dignité de sa destination, et à celle de la Capitale de la France.

Baruch Weil, Michel Abraham, Wolf Hirsch, Mayer Dalmbert, Jacob Brandon et Nissim Sciama furent chargés d’étudier le projet. Bien que n’ayant pas les ressources nécessaires pour un tel achat, le Consistoire demanda en urgence l’autorisation nécessaire. Le 29 juin 1819, Louis XVIII rendit une ordonnance autorisant le Consistoire à acquérir, au nom des Israélites de Paris, l’immeuble en question. Le prix d’achat s’élevait à 76.300 francs et les travaux avaient été évalués à 129.355 francs. Pour assurer le paiement de cette somme, le Conseil d’Administration du Consistoire de Paris escomptait sur le prix annuel de la location des places, du produits des dons et offrandes, à des prix gradués suivant l’importance de places distinguées dans la Synagogue aux familles qui voudraient s’en rendre concessionnaires ainsi que par « une taxe additionnelle au rôle annuel de répartition des frais de culte ». Malgré tout, le Consistoire fut obligé de faire un emprunt de cent mille francs en créant deux cents actions au porteur. Le Gouvernement l’autorisa le 11 octobre 1820. Cent six actions furent souscrites dans la Communauté.

Le 12 adar 5582 (5 mars 1822), la deuxième synagogue consistoriale était inaugurée à Paris. Elle était située entre les rues Neuve-Saint-Laurent, du Verbois et Notre Dame de Nazareth. Elle allait être connue plus tard sous le nom de synagogue de la rue Nazareth.

Le Grand Rabbin, Vita de Cologna (1756-1832) devait alors composer et prononcer une Ode hébraïque pour l’inauguration du nouveau Temple. Il était originaire de Mantoue, en Italie, membre du Grand Sanhédrin, et fut choisi pour sa parfaite connaissance de la langue française. Maîtrisant le Talmud et la Loi, il était néanmoins considéré comme un rabbin « avancé ». Il composa en hébreu et en français l’Ode et les bénédictions pour le Roi et la France, qu’il prononça face à une imposante assistance. Il abandonna ensuite son poste pour rejoindre son pays natal, et devenir Grand Rabbin de Trieste jusqu’en 1832. 

La construction de la synagogue fut confiée à l’architecte J.P. Sandrié de Jouy. Le temple fut inauguré le 5 mars 1822 en présence des plus hauts dignitaires du Royaume. Avec le déplacement du lieu de culte principal, les Juifs de Paris de la seconde génération allaient aussi quitter les quartiers du Temple et du Marais pour se disséminer dans tous les arrondissements. Léon Kahn, dans son livre Les Juifs à Paris, fait une description de ce temple nouvellement inauguré :

« Dès l’entée par la rue de Notre-Dame-de-Nazareth, après avoir franchi les trois marches qui séparaient la cour de la synagogue fermée par une porte à deux ventaux, on pouvait embrasser d’un coup d’œil l’édifice tout entier.
Du porche intérieur, orné de six colonnes isolées d’ordre dorique, le regard se projetait jusqu’au sanctuaire formé par deux colonnes isolées d’ordre corinthien et deux pilastres, du même ordre, dont la peinture « en marbre blanc verni » était relevée par la dorure des bases et des chapiteaux.
L’œil, embrassant ensuite le pourtour du temple, orné de chaque côté de treize colonnes isolées à chapiteaux gracieusement sculptés, était arrêté par des grillages en bois de chêne faits de « barreaux posés en losange », et qui, conformément aux usages religieux, cachaient aux yeux des hommes les dames placées dans les tribunes. Il y avait onze tribunes de chaque côté, situées au premier étage, toutes éclairées par des croisées ou des vues de souffrance.
Dans le milieu de la nef, une estrade isolée pour les chantres et ministres officiants était entourée de bancs. Les entre-colonnements, à droite et à gauche du temple, étaient également garnis de bancs en gradins auxquels on arrivait par des couloirs souterrains donnant accès à trois escaliers de six marches chacun.
L’entrée et la sortie du temple s’effectuaient également par la rue Neuve-Saint-Laurent où la maison, composée d’un bâtiment principal et de deux petits corps de logis en ailes, destinés aux assemblées des administrations consistoriales et aux fonctionnaires du culte, était séparée de la rue par une cour spacieuse. »

A l’occasion de cette inauguration, de nombreuses invitations furent expédiées tant aux Ministres qu’aux autorités religieuses de tous les cultes et aux fonctionnaires de tout ordre, députés, conseillers d’Etat, maîtres des requêtes, avec lesquels le Consistoire de Paris était en rapport.

Etaient invités le Comte de la Chabrol, Préfet de la Seine, le Directeur Général de la Police, le maréchal Duc de Raguse, Gouverneur de Paris, le Duc de Reggio, Commandant en chef de la Garde National de la Seine, les officiers municipaux et judiciaires de l’arrondissement, De Portalis, Molé, Pasquier, le Comte Beugnot, le Comte Bigot de Préameneu. La cérémonie fut brillante et les Dames furent autorisées, malgré l’opposition des orthodoxes, à faire une collecte parmi les hommes. La musique fut introduite et le Grand Rabbin Cologna fit un très beau discours qui fut rehaussé par les odes de Léon Halévy.

Nul ne pouvait penser que moins de vingt cinq ans plus tard, la maison menacerait de ruine et qu’il faudrait en interdire l’accès pour éviter une catastrophe. En 1850, avec la fermeture de la Synagogue de la rue Notre-Dame-de-Nazareth pour travaux, les offices furent assurés dans des locaux de la Rue de Montmorency mais le pas ayant été pris, de plus en plus d’israélites s’installèrent surtout dans le 2ème arrondissement (le 9ème arrondissement de 1860). Le quartier de la banque et des affaires accueillera en 1875 la nouvelle Grande Synagogue et le siège des nouveaux consistoires, rue des Victoires et St Georges.

En 1852 la nouvelle Synagogue consistoriale est inaugurée sur l’emplacement de celle créée en 1820.  Ce temple offrait une nouvelle construction élégante et pleine de goût. Il était précédé de petits bâtiments renfermant les principales dépendances et son entrée principale était située rue Notre-Dame-de-Nazareth.

Le Consistoire de Paris ne pouvant pas subvenir à tous les besoins, il fut donc constitué plusieurs comités chargés de s’occuper des problèmes de la Communauté. Au fil des années il fut créé un Comité de Bienfaisance pour suppléer aux syndics funéraires, des Comités pour créer des écoles juives tant pour les garçons que pour les filles, des écoles professionnelles, un Comité chargé de l’hospice, etc… Pour palier à l’anarchie des différentes sociétés du « Dernier Devoir », le Consistoire de Paris décida de créer l’un des tous premiers comités dans lequel seraient rassemblés sept « Khévrot Kadisha » (Société de derniers devoirs)  qui prit le nom de Comité de Bienfaisance.

En 1852, sur l’initiative de la famille Rothschild, le temple de la Rue Notre Dame de Nazareth fut remodelé et agrandi.

Tentative de rapprochement des cultes 1791-1822

C’est au début de la Restauration que l’égalité des Sefardim et des Ashkenazim est définitivement établie au regard du législateur. Se produit alors une lente fusion des deux communautés sur le plan sociologique. En 1819, le Consistoire de Paris décida la construction d’un temple à la hauteur des espérances du Judaïsme français, rue Notre-Dame-de-Nazareth. Les Juifs portugais avaient depuis longtemps la synagogue de la rue du Cimetière Saint André des Arts, mais à cette époque, elle ne correspondait plus aux besoins des fidèles. De plus, suite à diverses évolutions, le quartier Saint-Germain avait cessé d’être le centre majeur d’habitation des Juifs portugais.

En 1822, les autorités séfarades demandèrent au Consistoire de Paris, où deux de leurs membres siégeaient, que les locaux vides de l’école israélite de garçons de la rue Neuve-Saint-Laurent leur soient attribués  pour qu’elles puissent y installer une synagogue. Jacob Silveyra, inspecteur des travaux pour la construction de la synagogue parisienne de 1822, dirigea l’installation de la synagogue portugaise sur la rue Neuve-Saint-Laurent en 1830. Les sefardim virent dans cette unification géographique l’occasion de souder plus fortement les juifs de Paris entre eux : ils prirent l’initiative de demander au Consistoire de Paris d’envisager une fusion administrative.

En 1852, la petite synagogue portugaise installée rue Neuve-Saint-Laurent a disparu suite à la reconstruction et à l’agrandissement de la Synagogue de la Rue Notre-Dame-de-Nazareth.

Avec le déplacement de la bourgeoisie juive vers le nouveau quartier Caumartin, l’obligation d’un temple plus grand et plus approprié au rayonnement du Judaïsme français, les administrateurs décidèrent de faire construire une nouvelle synagogue. Celle-ci fut inaugurée et ouverte au public en 1875, rue de la Victoire.

Si vous désirez aller plus loin :

Synagogues. Merveilles du judaïsme, de Leyla Uluhanli, aux éditions Citadelles & Mazenod. 288 pages. 79,00€.
Patrimoine sacré. 19ème-20ème siècles, de Paul-Louis Rinuy et Pascal Lemaître, aux éditions du Patrimoine. 234 pages. 29,00€.
Histoire des juifs. Un voyage en 80 dates de l’Antiquité à nos jours, sous la direction de Pierre Savy, aux éditions PUF. 608 pages. 29,00€.
L’âge d’or des synagogues, de Dominique Jarassé, aux éditions Herscher. 174 pages. 50,00€.
Les synagogues de l’exil, de David Abitbol, aux Éditions du Messager. 204 pages. 79,00€.
Architectures sacrées, de Mathieu Lours, aux éditions Citadelles & Mazenod. 432 pages. 153,45€.

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