« La force du dessin. Chefs-d’oeuvre de la collection Prat », au petit Palais

On aurait tort de bouder son plaisir. L’écrin déjà est, en lui-même, une petite merveille : les murs sont de couleurs pastel, les sols sont recouverts de tapis moelleux, un peu comme si l’on entrait, visiteurs favorisés, chez Madame et Monsieur, pour visiter leur collection.

Le choix de Louis-Antoine et Véronique Prat s’est porté, par goût et formation, sur l’école française, de Callot à Cézanne, soit de 1600 à 1900, et, de l’aveu même du propriétaire, sur tout ce qui pouvait avoir trait à la figure humaine : lorsque l’homme peint l’Homme. Mais, d’abord et surtout, leur choix s’est porté sur le dessin.

Le dessin — c’est Vasari l’un des premiers qui le remarquait —, est à la base de l’art : il est le vecteur commun de la peinture, de la sculpture et de l’architecture. Ce qui permet ensuite de travailler, affiner, approfondir. Le dessin est l’esquisse du grand œuvre : il donne à voir l’élaboration de ce qui sera, ensuite, le tableau achevé. Tels sont les nombreux travaux préparatoires des décors de Versailles, par Le Brun, Coypel ou La Fosse.

Mais le dessin peut également être la trace laissée par l’artiste de son observation du monde : ainsi Watteau qui dessine continuellement les hommes et les femmes qu’il croise pour ensuite utiliser ces modèles dans ses tableaux, les associer, les croiser, ombres quotidiennes devenus personnages de l’œuvre par l’imagination prolifique de l’artiste. Soit le dessin anticipe directement le projet, soit il témoigne : David pense à l’avance ses toiles, Jacques Callot croque le monde qui l’entoure.

« Le dessin est ma prière quotidienne »

Eugène delacroix.

Et puis, cette exposition le démontre avec élégance, le dessin est l’économie de moyens mise au service d’un labeur raffiné et de l’efficacité. Il n’y a que la feuille, le crayon, la plume, la sanguine, le graphite, l’encre noire, et pour finir quelques rehauts de blanc. Avec ce peu, il faut faire, et bien faire, donner le sentiment du relief et de la profondeur, de l’intensité et du brillant. Le dessin ne peut pas créer l’illusion de réalité, tel n’est pas son lot ni son sort, en revanche le dessin peut accrocher l’œil et le sentiment, il peut être puissant et attachant. Le dessin, et ce parti-pris de l’exposition est parfaitement réussi, doit être « fort ».

On suit, chemin faisant des quatre salles, un parcours sinueux et essentiellement chronologique, qui permet de mesurer l’évolution des mœurs, des temps et des techniques : les sujets mythologiques ou bibliques laissent place au maniérisme puis aux scènes de genre. Et partout, à chaque occurrence, il est frappant de constater comme la personnalité des artistes est présente dès le moindre trait jeté sur la feuille. On reconnaît Corot, sur ses carnets de dessin, alors qu’il ne s’agit que d’ombres tracés ou d’un simple trait de plume. On reconnaît Delacroix, toujours. Et l’on s’aperçoit, avec étonnement, que Seurat est déjà Seurat, même en noir et blanc !

Une exposition tout entière placée sous le signe du raffinement : chaque dessin est accompagné d’un cartel riche et précis qui le restitue dans l’œuvre et dans le temps.

On ne boudera pas, non plus, son plaisir de revoir deux des trente seuls dessins de Baudelaire, quelques Hugo superbes, et de finir sur des esquisses de Cézanne lui-même.

La force du dessin. Chefs-d’oeuvre de la collection Prat, actuellement et jusqu’au 4 octobre 2020 au Petit Palais.

Si vous désirez aller plus loin :

La force du dessin. Chefs d’oeuvre de la collection Prat, hors-série aux éditions Connaissance des Arts. 36 pages. 10,00€.
La force du dessin. Chefs-d’oeuvre de la collection Prat, catalogue de l’exposition, aux éditions Paris Musées. 328 pages. 49,90€.

Partagez vos impressions

Cet article vous intéresse ? Laissez un commentaire.

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.