« Le coup du fou » d’Allessandro Barbaglia : Guerre froide sur l’échiquier

Entre le mardi 11 juillet et le jeudi 31 août 1972, à Reykjavik, en Islande, se déroula un événement qui devait attirer et fasciner le monde entier : le championnat du monde d’échecs.

Le tenant du titre, le russe Boris Spassky, surnommé Boris Dix parce qu’il était le dixième champion soviétique d’affilé, allait affronter le jeune américain Bobby Fisher.

En 1972, le monde est en pleine guerre froide : d’une certaine façon, l’affrontement qui avait lieu sur l’échiquier prolongeait la guerre économique, idéologique et matérielle à laquelle se livraient les deux blocs. Et bien entendu, parmi les spectateurs et observateurs, figuraient bon nombre de membres de la CIA et du KGB.

Bobby Fisher a 29 ans, il mesure 1, 90m et chausse du 48,5. Ses parents, Paul-Félix Nemenyi et Regina Fisher, juifs tous les deux, ont fui les persécutions staliniennes. Fisher donc est juif, mais il renie sa judéité, tient même fréquemment des propos antisémites et souffre à l’évidence de graves symptômes autistiques. Fisher est un être asocial qui n’a ni femme, ni enfant ni ami ; il ne sait que jouer aux échecs. Mais, à ce jeu, c’est un génie.

Il a commencé seul à l’âge de sept ans, pour compenser l’abandon familial, et il passe des heures enfermé dans sa chambre à jouer aux échecs, tout en écoutant quatre radios différentes qui diffusent quatre programmes différents.

Ce n’est pas tout à fait un être humain qui va affronter Boris Spassky mais une sorte d’illuminé caractériel qui exige qu’on fasse venir des Etats-Unis son propre fauteuil, qu’on tamise toutes les lumières et qu’on débranche les caméras de télévision.

Telle est l’étrange lutte que nous conte Alessandro Barbaglia. Tout le long, le narrateur du roman établit un rapprochement séduisant entre la Guerre froide et l’antique guerre de Troie, entre Fisher-Spassky et Achille-Ulysse, et se confie sur ses propres souvenirs d’enfance aux côtés d’un père éminent psychanalyste, disparu trop tôt et qui, le premier, attira son attention sur le «syndrome de Fisher».

Inutile de connaître vraiment le monde des échecs pour suivre avec avidité ce récit qui transforme en mythe universel et éternel l’histoire d’un simple petit jeu se déroulant sur un échiquier de bois : soixante-quatre cases pour un défi digne des étoiles !

Le coup du fou, d’Allessandro Baraglia, aux éditions Liana Levi. 224 pages. 11,00€.

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