« Libres… ou presque ! » : cavale pour tandem de choc au Palais des Glaces

Paris, été 1942. Le premier porte l’étoile jaune, le second le triangle rose. Moshe est juif, André est homosexuel. Détenus dans les locaux de la Gestapo, menottés l’un à l’autre par la force des choses, ils parviennent à s’échapper à bord d’un véhicule allemand volé dans les garages.

Avec en ligne de mire la Zone libre, Moshe souhaite gagner la Suisse, où la revente de tableaux de valeur devrait lui ouvrir des horizons plus sereins, tandis qu’André espère rejoindre Bastien, son fiancé, Résistant caché dans le maquis. Un « fiancé » avec qui il est en couple depuis deux ans, mais qu’il n’a en réalité par revu depuis 23 mois et 22 jours…

Au fil de leur cavale, à pied, à vélo, ou en train, les deux fugitifs, qui d’apparence n’ont rien en commun à part leur fuite, vont apprendre à se connaitre et à s’apprécier, laissant de côté les préjugés qu’ils peuvent avoir sur l’autre.

Non, contre toute attente, Moshe n’est ni médecin, ni avocat, ni même tailleur. Les juifs peuvent aussi être… instituteur. Qu’aurait-il pu être d’autre d’ailleurs, lui, l’enfant du « peuple de la transmission » à qui l’on n’a rien transmis. Quant à André, arrêté à l’Eldorado, un club pour homosexuels, son expérience d’infirmier sera d’une grande aide lorsque, accidentellement bien sûr, il enverra une balle se loger dans la cuisse de son compagnon de cavale.

En de nombreux points, Libres… ou presque ! n’est pas sans rappeler des films célèbres, de La vie est belle à Train de vie, sans oublier bien sûr La grande vadrouille, dans lequel deux compères en fuite, un petit nerveux et un grand un peu simplet, traversaient également une France occupée par les Allemands. S’il s’en inspire, en vérité, le spectacle joué actuellement sur la scène du Palais des Glaces n’a rien à envier aux longs-métrages auxquels il fait inévitablement penser.

Sans aucune fausse note, dans une atmosphère 40’s plutôt réussie et dépourvue de tout anachronisme – et c’est heureux ! –, la complicité du tandem Jean Franco – Guillaume Mélanie convainc. Les réparties sont ciselées mais jamais vulgaires, le jeu des comédiens est mesuré, et la mise en scène signée Raymond Aquaviva très subtile, appuyée par des projections apportant aux comédiens une liberté et un espace bien plus vastes qu’il n’y parait. Au point de donner à cette cavale des allures de randonnée pédestre. On ne s’ennuie pas une seule seconde, et on rit vraiment beaucoup.

Malgré cela, n’oublions pas les sujets dont traite cette pièce, et qui résonnent avec un écho particulier alors qu’il y a peu, en Tchétchénie, des centaines d’homosexuels ont été enlevé et torturés, et que partout en Europe – la France ne faisant pas exception – les actes antisémites tendent à multiplient de manière plus qu’inquiétante.

Une belle surprise, et un beau moment de théâtre.

Libres… ou presque !, actuellement au Palais des Glaces.

Si vous désirez aller plus loin :

Itinéraire d’un triangle rose, de Rudolf Brazda et Jean-Luc Schwab, aux éditions J’ai lu. 256 pages. 6,70€.
Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel, de Pierre Seel, aux éditions Calmann-Lévy. 198 pages. 15,90€.
Le silence des rails, de Franck Balandier, aux éditions Flammarion.211 pages. 12,00€.
Un amour à taire, de Jérémie Renier. DVD. 102 minutes.

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