« Mizrahim, les oubliés de la Terre promise » : la promesse non tenue…

Mizrahim, c’est le nom donné par les israéliens aux juifs venus d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, victimes, dès leur arrivée en Terre promise, d’un système discriminatoire qui fait d’eux des citoyens de seconde zone.

Dans les années 70, un mouvement de révolte s’inspirant des Black Panthers aux États-Unis émerge pour défendre leurs droits.

On se souvient de la phrase entrée dans la légende et prononcée par la Première ministre de l’époque Golda Meir : « Ce ne sont pas de très gentils garçons. » Confrontée au deuil de son père, ancien membre de ce mouvement, Michale Boganim part à la rencontre de plusieurs générations de Mizrahim.

Présenté cette année dans la sélection Jewish experience, ce documentaire personnel de la réalisatrice Michale Boganim nous plonge donc dans l’histoire de son père qui émigra du Maroc vers Israël dans les années 50, et de l’histoire de l’État hébreu. La narration du film est celle d’une mère à sa fille, fil rouge du documentaire. Elle lui raconte l’histoire de son père qui fit partie du mouvement des Black Panthers israélien, de son désenchantement et de son espoir.

Dès sa création, Israël est un pays endetté tous les mois. Ben Gourion, dans une approche de développement économique, décide qu’il faut peupler le Négev.

Dans les années 50/60, à leur arrivée, les Marocains sont installées dans des villes à la périphérie, mais dans le désert, il n’y a aucune opportunité économique, aucun travail, aucune infrastructure.

En colère d’être laissés à l’écart pendant de longues années, ils finissent par se révolter et constituent un mouvement semblable à celui des Black Panthers, mais contrairement aux Etats-Unis, ils ne sont pas soutenus politiquement par la gauche.

Les révoltes – dont celle en 1959 à Haïfa – finiront par s’éteindre d’elles-mêmes. Cet électorat sera récupéré dans les années 70 par le sixième Premier ministre, Menachem Begin, d’origine marocaine. Cette population votera ensuite toujours majoritairement à droite.

Après l’échec de cette révolte, ces émigrés, lassés d’être méprisés et ignorés par l’État dans ce pays qu’ils croyaient être la Terre promise – dont le père de la réalisatrice -, quitteront Israël pour la France, et vivront un deuxième exil.

En France, la famille de Michale se retrouve logée en banlieue, à Arcueil, avec toutes les difficultés économiques et d’intégration que l’on connait. Tout est à refaire.

Mais la pire des histoires, racontée au travers de témoignages de mères yéménites, est le crime des bébés et des enfants enlevés à leur mère à leur arrivée en Israël. À l’hôpital, lorsque ces femmes accouchent, les sages-femmes leur disaient que leur bébé était mort et elles ne les revoyaient jamais. Et nulle trace d’enterrement. Des milliers de bébés de ces femmes yéménites et marocaines furent ainsi enlevés pour être vendus à des familles qui n’en avaient pas, ou auraient été soumis à des expériences médicales. Cet événement,  lorsqu’on pense à la Shoah, nous glace le sang.

Les autorités auraient considéré que ces familles nombreuses étaient primitives et n’étaient pas à un enfant près. Une commission du gouvernement actuel serait actuellement mise en place afin d’étudier ces crimes, mais aucune justice n’a été rendue pour l’instant. D’aucuns considèrent ce crime atroce comme le péché originel du pays.

Aujourd’hui, trois générations d’émigrés installées dans les périphéries des villes israéliennes vivent aux côtés des Arabes israéliens et constituent une forme d’espoir en vue d’une société apaisée. La nouvelle génération tente de s’en sortir – comme souvent dans les banlieues – par le street art, le rap, le slam… et la réalisatrice reste optimiste sur l’avenir du pays.

La périphérie, partout, lutte pour s’en sortir et la jeunesse se bat pour émerger. 

Film universel sur l’exil et les exclus, Mizrahim est à la fois un documentaire personnel et un témoignage du passé et du présent d’un État jeune et complexe.

Mais sortira-t-il en Israël ? Rien n’est moins sûr.

Mizrahim, de Michale Bouganim. En salle le 8 juin 2022.

Pour plus de cinéma israélien, consultez également le site Falafel Cinéma, administré par notre contributrice Yaël Yermia.

Si vous désirez aller plus loin :

Juifs en pays arabes, le grand déracinement : 1850-1975, de Georges Bensoussan, aux éditions Tallandier. 1.088 pages. 13,50€.
Juifs du Maghreb, de Colette Zytnicki, aux éditions SUP.328 pages. 19,00€.
Les juifs du monde arabe : la question interdite, de Georges Bensoussan, aux éditions Odile Jacob. 166 pages. 21,90€.
Histoire des juifs en Afrique du Nord (tome 1), d’André Chouraqui, aux éditions du Rocher. 331 pages. 21,50€.
Histoire des juifs en Afrique du Nord (tome 2), d’André Chouraqui, aux éditions du Rocher. 331 pages. 21,50€.
Les juifs au Maghreb à travers leurs chanteurs et musiciens aux 19ème et 20ème siècles, d’Alain Chaoulli, aux éditions L’Harmattan. 258 pages. 25,00€.

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