« Trois étages » d’Eshkol Nevo : solitude à tous les niveaux

Eshkol Nevo, auteur de cinq ouvrages – Quatre maisons et un exil, Le cours du jeu est bouleversé, Neuland, Jours de miel et enfin Trois étages -, fait partie de la jeune génération d’écrivains israéliens au succès grandissant, et qui gagne à être connu.

En véritable amateur d’histoires parfois marginales et empruntes de surprises et de découvertes, il s’inscrit dans la file d’écrivains fins connaisseurs de l’âme humaine et de ses soubresauts, à l’instar de l’auteure Zeruya Shalev, de la même génération.

La psychologie de ses personnages finement analysée, voire disséquée, apporte à tous ses romans une touche d’intimité et d’universalité dans un même temps.

Trois étages se présente plutôt comme trois « longues nouvelles » s’imbriquant les unes dans les autres sous forme de confessions allant crescendo.

Le sujet principal, voir le « héros » de cet ouvrage, est un immeuble de trois étages qui résonne de trois voix intimes, trois vies, trois perceptions. Dans cet immeuble des environs de Tel Aviv, trois familles de la moyenne bourgeoisie représentent les trois instances s’inspirant du triptyque freudien : le ça, le moi et le surmoi.

Chaque personnage livre ses tourments intérieurs à quelqu’un d’autre, soit par le biais de la parole soit par l’écrit.

Au premier étage vivent Amnon et Ayelet, un peu perdus par l’éducation à donner à leurs deux enfants. Le couple demandera à ses voisins âgés Hermann et Ruth, des « yekkés » juifs allemands, de garder occasionnellement leur fille aînée Ofri, une enfant difficile. Au fil du temps et par commodité pour ses parents, Ofri est de plus en plus présente dans la vie d’Amnon et d’Ayelet.

Jusqu’au jour où Amnon se confie à son ami à propos de tout ce qui va se dérouler pour eux. Un drame sous-jacent qu’ils n’ont pas pu ou voulu voir se trame… Le suspens reste entier.

Ce premier étage correspondrait au « ça » qui constitue la part la plus obscure et la plus imperméable de la personnalité.

Au second étage habitent Hanni, Assaf et leurs enfants. Assaf étant de plus en plus absent du domicile, Hani se confie à son amie Neta dans de longues lettres où elle raconte ses attentes, ses frustrations, et surtout son étrange attirance envers son beau frère, banni par son mari.

Là encore, des histoires de famille sont au centre du récit ; cet étage correspondrait au « moi », qui oscille entre phantasme et réalité.

Au troisième enfin, c’est le « surmoi » qui triomphe en la personne de Dvora, juge à la retraite, qui se confie, par le bais d’une ancienne messagerie, à son époux décédé. Elle se raconte au quotidien, parle de son travail, de son engagement pour la cause des femmes, et également de sa rencontre avec un homme connu autrefois… Toujours sous contrôle, quelque peu rigide, elle cherche à expier les pêchés de son passé.

Dans ces trois nouvelles se profilent les trames d’un quotidien tissé des diverses émotions qui usent les couples, font et défont les liens, réveillent les anciennes blessures…

Comme dans les autres romans d’Eshkol Nevo, on retrouve les thématiques du couple, de la loyauté, de la culpabilité, mais sous une forme particulière, peut-être avec moins d’humour et plus de gravité et de désarroi que dans Jours de miel, son avant dernier roman.

Trois étages reste un livre captivant, fin, extrêmement bien ciselé et qui parle à tout le monde. A lire absolument.

Trois étages, d’Eshkol Nevo, aux éditions Gallimard. 320 pages. 22,00€.

Si vous désirez aller plus loin :

Le cours du jeu est bouleversé, d’Eshkol Nevo, aux éditions Gallimard. 432 pages. 23,30€.
Quatre maisons et un exil, d’Eshkol Nevo, aux éditions Gallimard. 448 pages. 26,40€.
Jours de miel, d’Eshkol Nevo, aux éditions Gallimard. 320 pages. 22,50€.
Neuland, d’Eshkol Nevo, aux éditions Gallimard. 608 pages. 24,90€.

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