Yardena Arazi vient juste d’avoir soixante-dix ans et, même si elle est devenue une chanteuse suffisamment renommée pour que des dignitaires lui souhaitent son anniversaire, elle garde au cœur une certaine nostalgie, celle de ses origines, de ses racines, de ses parents.
Il est un âge où l’on se rend compte que l’on n’a pas suffisamment « posé de questions » et que, justement, il est trop tard pour pouvoir les poser. Alors elle décide de faire un voyage, comme on se retourne sur soi-même.
En portant au doigt comme une sorte de talisman protecteur — les alliances de ses parents —, elle va revenir à ses origines.
Elle revient en France, la patrie de naissance de sa mère, et elle retrouve sa cousine Tamar Loinger. Et les deux femmes vont chercher les traces de leurs mères respectives, Yvette, la mère de Yardena, et Fanny, la mère de Tamar.
Yvette et Fanny sont deux sœurs, elles font partie d’une fratrie de sept enfants nés à Strasbourg dans les premières années du vingtième siècle. Ce sera le point de départ du voyage initiatique et nostalgique.
Strasbourg se trouve à une encablure à peine de la frontière allemande : ils furent les premiers, les Strasbourgeois, à entendre parler d’un certain Adolf Hitler, et des dangers que couraient les juifs allemands. Alors, la famille quitta Strasbourg, à regret.
Fanny veut aider. Elle devient assistante sociale et, en tant que telle, elle est affectée au camp des Milles, à Marseille. Fanny s’engage dans l’Ose (Œuvre de Secours aux Enfants), cette organisation née en Russie, émigrée à Berlin puis à Paris, et qui se donne pour but de sauver les enfants juifs des griffes de l’envahisseur nazi.
Yvette est beaucoup plus jeune. Elle a treize ans à peine lorsque ses parents se rendent à Périgueux. Mais très vite, son père va décider de lui faire rejoindre sa sœur à Marseille. La toute jeune Yvette n’a pas eu d’enfance, elle n’aura pas non plus d’adolescence et elle va aider sa grande sœur pour tenter de sauver le plus possible d’enfants. On dit qu’elles aidèrent ainsi 450 enfants à échapper à la mort.
Certains enfants, ceux que l’on qualifiait « d’aspécifiés » — c’est-à-dire qui n’étaient pas physiquement reconnaissables comme juifs — étaient recueillis par des familles françaises ; les autres étaient envoyés vers Annemasse et, de là, vers la Suisse. Toutes ces opérations sont dangereuses et Yvette, comme Fanny, font pleinement partie de ce qu’on nomme la « résistance civile ».
Point besoin de porter une arme pour résister au nazisme. D’ailleurs, parmi les proches des deux sœurs, Marianne Cohn, qui accompagnait un groupe d’enfant à la frontière suisse, fit preuve d’un courage émouvant en refusant d’abandonner les enfants, quitte à mourir avec eux.
Parmi les sept frères et sœurs Loinger, quatre furent résistants ; deux de leurs cousins également : Dora, et un certain Marcel Marceau, appelé à la gloire pour d’autres raisons.
Aucun ne s’en vanta. Ils disaient avoir « fait ce qu’ils devaient faire ». Et ce film juste et rigoureux nous fait partager l’émotion sensible des deux femmes, Yardena et Tamar, penchées sur le passé douloureux mais beaux de leur famille.
Un bel hommage à rendre à ces femmes parfois anonymes qui œuvrèrent dans l’ombre pour sauver le futur.
Yardena’s Journey, d’Ayelet Heller, sera sera présenté du 17 janvier au 2 février 2023 dans le cadre du festival Dia(s)porama, proposé par le département Art et Culture du FSJU :
- en ligne en VOD du 31 janvier au 2 février
- le 30/01 à 18h30 à l’Espace Rachi
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