« La peur », succès et prolongations pour le thriller psychologique de Stefan Zweig

Des œuvres de Stefan Zweig, il en est qui nous sont connues, car régulièrement montées sur scène, d’autres moins. Et c’est le cas de La peur

Publiée en 1920 à Berlin, l’action de cette nouvelle se déroule originellement dans la bourgeoisie viennoise du début du siècle, mais se retrouve aujourd’hui transposée dans les années 60 par Elodie Menant, metteur en scène du spectacle présenté sur les planches du théâtre Michel.

Dès l’entrée des spectateurs dans la salle, les comédiens sont déjà sur scène, évoluent dans leur univers, discutent, plaisantent… Puis les lumières se tamisent, le décor s’anime, se scinde, et invite le public à pénétrer sans pudeur dans la vie d’un couple aisé, d’apparence ordinaire.

Irène, femme au foyer, fait des dessins de mode, écoute les émissions à la radio, suit chaque mercredi des cours particuliers de piano et ne songe qu’à se distraire tandis que Fritz, son mari, un avocat qui vient d’ouvrir son propre cabinet depuis un an, est débordé de travail.

Seulement voilà, Irène s’ennuie. Les années de mariage, les habitudes et le travail de Fritz ont rendu le couple plus distant. Petit à petit, la jeune femme s’éprend de son professeur de piano, et ils deviennent amants.

Loin de se douter des conséquences que pourrait avoir sur son couple cette relation adultère, elle ne voit pas venir la menace et se retrouve bientôt la proie d’un maître-chanteur.

Progressivement, sa vie rangée se transforme en cauchemar. Elle sombre dans le mensonge, l’alcool et la déraison, et ne peut qu’assister, impuissante, à l’incompréhension de son mari et à la dérive de son couple.

Quant au dénouement final, dire qu’il est « théâtral » serait encore en-dessous de la vérité.

Véritable succès trois années consécutives au Festival Off d’Avignon (en 2014 au Petit Louvre, en 2015 au théâtre de l’Oulle et en 2016 au théâtre du Roi René), La peur joue actuellement les représentations de sa quatrième prolongation sur les planches du théâtre Michel. Et le succès est toujours au rendez-vous !

Dans un cadre et des costumes délicieusement 60’s, aux sons de Tutti Frutti ou Blue suede shoes, la mise en scène, très esthétique et volontairement cinématographique, s’inspire ouvertement des thrillers psychologiques du maître Hitchcock, dont l’inoubliable Fenêtre sur cour. Le décor amovible, déplacé par les comédiens eux-mêmes, renforce le sentiment d’étouffement et d’emprisonnement de ce huis-clos parfaitement réussi, et angoissant à souhait !

Accoutumée aux scènes de théâtre aussi bien qu’aux plateaux de cinéma, Hélène Degy est habitée par son personnage de femme adultère, et interprète avec passion une Irène hantée et manipulée qui préfère sombrer plutôt que d’avouer. Une prestation aussi bouleversante que violente.

Quant à Aliocha Itovitch et Ophélie Marsaud, incarnant respectivement les rôles de Fritz et d’Elsa, ils accentuent, à travers leur détachement et parfois leur violence, l’aspect psychologique et pesant de la pièce. Le chantage se met à la disposition d’une quête de vérité, le mensonge à celui de l’épreuve de l’amour.

Un très beau moment de théâtre !

La peur, actuellement au théâtre Michel. Infos et réservations sur le site du théâtre Michel.

Si vous désirez aller plus loin :

La peur, de Stefan Zweig, aux éditions Livre de Poche. 250 pages. 5,60€.

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