« Transparent », la comédie dramatique série de Jill Soloway

Dans la famille Pfefferman, on parle plus qu’on ne communique. Le père est un brillant universitaire mutique, la mère a refait sa vie et masque tant bien que mal ses déceptions derrière son hyperactivité, et les trois enfants sont tous plus nombrilistes et névrosés les uns que les autres.

transparent jill solowayJusqu’au jour où Mort, ce patriarche transparent, plus pompe à fric que père adoré, devient Maura. D’avantage qu’une affirmation de sa vraie personnalité, cet événement va pousser Maura à communiquer avec ses enfants pour la première fois de sa vie. Les secrets de famille, les non-dits et autres sujets tabous vont alors exploser au grand jour et remettre en questions les vies de chacun.

Déjà scénariste de shows familiaux hauts en couleur comme Six Feet Under ou United States of Tara, Jill Soloway a frappé un grand coup avec Transparent (titre ingénieux qui se lit en un seul mot ou en deux). Comédie dramatique inspirée de la transformation de son propre père, la série se regarde plus comme un excellent film indépendant que comme un programme télévisé, ne virant jamais au show conceptuel ni à la caricature. Mis en scène avec beaucoup de douceur et de sobriété, les épisodes mettent au contraire le personnage de Maura au même niveau que les autres, luttant maladroitement avec ses propres démons et sa propre crise identitaire.

Le plus poignant est de voir Maura trouver enfin son équilibre alors que ses enfants sombrent dans le doute, son aînée hésitant entre sa vie de famille rangée et sa passion pour son ex-petite amie, son fils ne parvenant pas à accepter l’avortement d’une conquête, et sa cadette chômeuse se battant contre la dépression. Avant d’être l’histoire de la transformation d’un homme en femme, Transparent est surtout le portrait d’une famille dysfonctionnelle traité sous un angle totalement nouveau et rafraichissant, très humain et anti-glamour. Religion, sexualité, amitié, tout est abordé sans complexe par la créatrice qui n’hésite pas à choisir l’humour comme phare dans la tourmente, évitant ainsi le chantage émotionnel, mais provocant en revanche de très jolies étincelles de tendresses, ou au contraire de profonds accents de gravité.

Toujours authentique même dans ses beaux accès de fantaisie, Transparent doit beaucoup à sa direction d’acteurs et à l’investissement des comédiens, qui se jettent à corps perdus dans des situations pas forcément valorisantes. Jeffrey Tambor, inoubliable patriarche d’Arrested Development, est sublime dans le rôle de Maura, exprimant avec sobriété le besoin de son personnage d’être simplement lui-même, tandis que Judith Light (Madame est Servie) prend avec bonheur le contre-pied de l’épouse bafouée, créant une émouvante complicité avec son ex-mari de fiction. Les acteurs campant les trois enfants ne sont pas en reste, utilisant à merveille leur absence relative de notoriété pour éveiller chez le spectateur un maximum d’empathie.

Jalonnée de flash-backs explicatifs jamais encombrants, la série prend au fil de ses dix premiers épisodes une épaisseur dramatique et une cohérence narrative incontestables, qui lui permette de s’élancer avec confiance dans de grands moments de délires. Réussir à ce point l’alliance de l’humour le plus excentrique et de la complexité psychologique n’est pas fréquent, et il est d’autant plus nécessaire de découvrir au plus vite cette inclassable pépite.

Transparent, tous les vendredis sur OCS City.

Clément FROBERT pour Cultures-J.com.

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