De la Bretagne à Paris occupé : « L’ombre d’un secret », de Virgine Saint-Martin

C’est une histoire, qui va de Moustoir-Ac en Basse Bretagne en mars 1917 jusqu’à Barcelone en 2021, passe entre temps par Paris, Berlin, Drancy, Auschwitz, New-York, et bien d’autres encore.

C’est une histoire de résilience et de réconciliation. Et c’est  l’histoire d’une odeur de vétiver et de violettes qui persistent dans l’air. C’est une histoire qui raconte comment, sur un peu plus d’un siècle, au milieu des tourments de l’Histoire, se croisent, s’opposent, se séparent, se contredisent, se dénouent les destins d’Alphonsine Kergoat et de Johannes Hohenburg.

Alphonsine est née le 15 mars 1907, au fin fond de la Bretagne profonde qu’elle va être contrainte de quitter pour cause de chômage et de misère. Elle débarque à Paris en 1924 et, en entrant au service de Sarah et Ruben Chemtov, elle va découvrir tout à la fois ce « minuscule objet métallique sculpté légèrement penché, qui était cloué à mi-hauteur sur le côté droit de la porte », le chandelier d’or pur à sept branches et la nécessité, dans le réfrigérateur, de séparer la viande, les produits laitiers et le « parvé ».

Mais elle va également découvrir le raffinement, la bonté humaine et la culture grâce à ses employeurs. La petite bretonne inculte se métamorphose peu à peu en une Parisienne épanouie.

L’invasion de la France et l’occupation allemande vont perturber cette harmonie et, durant quelques années, c’est l’employée Alphonsine qui va prendre soin de ses employeurs Chemtov, jusqu’au jour tragique, le 30 juillet 1944, où le couple est dénoncé aux autorités allemandes par une voisine jalouse.

Ils ne reviendront jamais de déportation et Alphonsine va hériter de l’appartement de la rue du Cherche-midi. Jamais, sa vie durant, elle n’oubliera la mémoire des Chemtov qui furent, non ses employeurs mais ses initiateurs à la vraie vie.

C’est une histoire de violence, violence faite aux faibles par la misère, violence faite aux juifs par les nazis, violence faite aux femmes par les hommes. La petite bretonne qui a été la victime d’un père alcoolique et violent le sera, de la même manière, de la part d’un nazi autoritaire et méprisant.

Elle qui, toute petite encore, dans son village natale, répondait à son institutrice : « Je suis Alphonsine Kergoat et je suis bien décidée à partir d’ici pour devenir quelqu’un », elle va, de fait, devenir quelqu’un ; en 1974, elle sera même reçue par Simone Veil, quelques jours à peine avant les débats de 1974 sur la loi autorisant l’avortement, ceci parce que, sa vie durant, elle a pris fait et cause pour la défense de ses congénères.

C’est ainsi que, sur le ton de la confidence, avec la douceur tranquille des événements qui se tissent au jour le jour pour constituer un destin, Virginie Saint-Martin nous conte l’histoire d’Alphonsine Kergoat,  celle dont la vie « n’aura été qu’une succession de fuites et de secrets ».

Un roman qui nous parle de faits graves sans jamais sombrer dans le pathos.

L’ombre d’un secret, de Virginie Saint-Martin, aux éditions City. 304 pages. 20,90€.

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