« Erwin Wurm » : une première rétrospective française photographique…

Il ne faut rien prendre au sérieux, semble nous dire Erwin Wurm, et l’art encore moins que le reste. Sa carrière, après tout, est née d’une frustration, celle de ne pas avoir été accepté aux beaux-arts dans la section peinture mais dans celle de sculpture. Et lui, Erwin Wurm, ne voulait pas être sculpteur.

Il s’applique à nous le dire depuis trente ans en interrogeant le concept même de la sculpture, l’idée d’œuvre d’art, les rapports entre l’immobilité et le mouvement, mais l’on peut s’interroger en souriant, et Erwin Wurm en est la preuve.

On dirait, par moments, depuis le tout début de son travail, des canulars de carabins ou des blagues de potaches. Ainsi, au cours de voyages autour du monde, il se plaît à ruiner les chambres d’hôtel en empilant la literie comme autant d’éléments d’un vaste jeu de construction. Jusqu’à ce que la direction lui prie de quitter les lieux. Il avait pourtant concrétisé parfaitement ce que pouvait donner le lit pour dormir debout !

Depuis les tout premiers moments de son travail, la photographie lui permet d’explorer immédiatement et à peu de frais. Bien loin de l’artiste penché sur son bloc de marbre, même s’il peut faire référence à Michel-Ange, Erwin Wurm pratique un art de l’instantané et du « facile à élaborer ». Ce qu’il cherche à savoir, c’est « si une action physique peut devenir une sculpture, et si oui, à quel moment a lieu la transition ».

Donc il essaye, il tente, et il prend en photo, utilisant des techniques minimalistes et les objets de la vie quotidienne. C’est ainsi qu’il dénude ses amis pour ensuite barbouiller le résultat à la peinture, comme le seraient les ruines laissées d’une œuvre antique. C’est ainsi que ses mêmes amis sont emmitouflés dans une collection de pull-overs de toutes les couleurs et toutes les tailles, enfermés, recouverts, enserrés à s’en demander parfois où sont passés bras, jambes et têtes. L’effet artistique naît de l’improbable de la pause, et du moment où surgit l’inattendu et le burlesque. Ce ne sont plus des êtres humains qui se cachent sous leur pull, mais soudainement une montagne de laine informe et colorée qui évoque vaguement quelque chose d’humain, ou de fantastique, ou de drôle. Une photo, un vieux pull, un ami qui se prête au jeu : et naît l’effet de surprise.

Erwin Wurm aime le travail de l’instant, la sculpture périssable faite de poussière et de hasard, hasard juste un tout petit peu contrôlé par la fantaisie et le savoir-faire de l’artiste. Ou le dessein d’une volonté militante : « Instructions pour être politiquement incorrect »…

Ainsi s’élaborent, au gré de séries déclinées, une œuvre photographique parallèle à son travail de sculpteur, et qu’il nomme fréquemment ses « one minute sculpture ». L’homme est en équilibre sur une orange ou des balles de tennis, la pose est hautement improbable et ne durera que le dixième de seconde de l’inattendu, saisissant ainsi pour le spectateur ce que l’artiste désigne par le terme allemand de fremdscham, la « gêne par procuration ». Il y a du Buster Keaton ou du Tex Avery chez Erwin Wurm !

Outdoor sculpture (Taipei), 2000. ©Erwin Wurm.

C’est pourquoi peut-être pourrait-on regretter que cette belle exposition de la Maison européenne de la Photographie soit placée un peu trop sous le signe du sérieux. La première salle en particulier peut paraître austère et sibylline, alors que les suivantes – et surtout les dernières -, deviennent une sorte de feux d’artifice d’inventivité débridée. Certaines estrades présentent les lieux de pose des personnes photographiées, dont Comment porter ses philosophes favoris. Peut-être eût-il été amusant de permettre aux spectateurs d’y accéder afin d’y être, à leur tour, photographiés ?

Il ne faut rien prendre au sérieux, nous disait pourtant Erwin Wurm. Et l’art encore moins que le reste…

Erwin Wurm, actuellement à la Maison Européenne de la Photographie.

Si vous désirez aller plus loin :

Erwin Wurm Photographs (en anglais), d’Erwin Wurm, aux éditions APE. 45,00€.

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