Harcèlement sexuel : « Working Woman », le film engagé de Michal Aviad

Orna, la trentaine, ambitieuse, prend ses nouvelles fonctions d’agent immobilier au sein de l’agence de Benny, spécialisée dans les logements de luxe. Orna a en charge la clientèle française de l’entreprise afin de présenter la ville de Rishon LéTsion comme alternative à la déjà très chargée Netanya.

Amenés à effectuer de nombreux déplacements en fonction des chantiers à visiter et des acheteurs potentiels à rencontrer, Orna est contrainte de passer beaucoup de temps aux côtés de son patron. Si dans les premiers temps, ce dernier lui suggère amicalement de lâcher ses cheveux et la conseille quant à sa tenue vestimentaire, Benny va rapidement se montrer de plus en plus bienveillant à son égard. Des petits gestes sans importance, qui selon lui ne veulent rien dire et vont être oubliés dès le lendemain.

Mal à l’aise face à cette situation, Orna décide cependant de ne pas en parler à son mari, Ofer, déjà inquiet par la gestion du restaurant qu’il vient d’ouvrir quelques mois plus tôt, et qui peine à démarrer. Avec des revenus fixes et plus que confortables, l’emploi d’Orna représente pour Ofer et leurs trois enfants la stabilité financière du foyer. Un dilemme pour la jeune femme.

Nommée directrice des ventes, un poste ambitieux qui l’éloigne de sa famille avec laquelle elle passe de moins en moins de temps, Orna se retrouve de fait en contact permanent avec Benny, qui prend l’initiative de prolonger leurs journées de travail par des dîners en tête-à-tête au bureau, continuant de la séduire.

La fatigue ajoutée au mal-être, Orna finit par ne plus dormir, se lève en pleine nuit pour cuisiner et fait face à Ofer, qui ignore tout et va mal supporter le fait que Benny lui obtienne la licence d’exploitation qu’il attendait, sans même en avoir été informé.

La situation du couple se complique, alors que dans le même temps, Orna et Benny partent ensemble en voyage d’affaires à Paris pour décrocher un juteux contrat. Dans la capitale française, après une soirée arrosée, l’inévitable se produit.

Projeté au Festival du Cinéma Israélien de Paris, et également en compétition au Jerusalem Film Festival qui se tiendra du 25 juillet au 4 août prochains en Israël, Working Woman, le second long-métrage de la documentariste et réalisatrice Michal Aviad, explore le dilemme lié au harcèlement sexuel, et sa gestion entre priorités professionnelles et vie personnelle.

Si le projet et le début du tournage sont antérieurs aux différentes et nombreuses affaires qui ont secoué le monde ces derniers mois – affaire Harvey Weinstein en tête – et au retour du mouvement #MeToo remis à l’ordre du jour par l’actrice Alyssa Milano, Michal Aviad reconnaît que Working Woman revêt pour elle un caractère particulier :

« Toutes les actrices que j’ai auditionnées savaient de quoi je parlais. Chacune d’entre elles m’a parlé des harcèlements qu’elle avait subi. […] Je vis depuis des années avec ces problèmes d’abus sexuels. Mon précédent film traitait du traumatisme subi par un viol, et j’ai réalisé deux autres documentaires entre temps. Il est essentiel pour moi que j’apprenne quelque chose au travers de mes propres films. Je voulais réellement comprendre le harcèlement sexuel étape par étape, et porter à l’écran ses complexités et ses nuances parce que j’ai lu des témoignages, j’ai parlé à des amis, principalement des femmes, mais ce n’est pas la même chose que d’être à la place de quelqu’un, et de vivre ce qu’elle vit à cet instant-là. C’est ça ce que je voulais faire. »

Michal Aviad.

Liron ben Shlush, déjà vue en 2015 dans Chelli, d’Asaf Korman, et qui interprète ici le rôle d’Orna, a immédiatement convaincu Michal Aviad. « Elle était Orna. Je l’ai su immédiatement. Je n’avais aucun doute là-dessus. » confie la réalisatrice. Et elle en fut à tel point convaincue qu’elle décida de reporter le début du tournage, Liron ben Shlush étant enceinte de cinq mois au moment des auditions.

Quant à Menashe Noy, qui incarne le personnage de Benny, il est déjà un acteur très connu en Israël, que ce soit à la télévision ou au cinéma où il enchaîne les tournages, du Policier à Big Bad Wolves, en passant par Le procès de Viviane Amsallem de Shlomi et Ronit Elkabetz.

« Il y avait environ cinq acteurs auxquels je pensais pour ce rôle, mais trois d’entre eux l’ont refusé parce qu’en Israël, avant le mouvement #MeToo, deux acteurs ont été accusés et reconnus coupables de harcèlement sexuel. […] Tout cela planait au-dessus de nos têtes lors des auditions. »

Michal Aviad.

Un casting gagnant et sans faute, et qui fait de Working Woman un film aussi actuel que nécessaire, même si Michal Aviad reconnaît à mots couverts que le chemin à parcourir pour mettre fin au harcèlement sexuel sera encore long :

« Tant que les femmes de ménage, les infirmières et les secrétaires auront peur des conséquences que peuvent avoir leurs révélations, le problème persistera. Une centaine d’actrices et de célébrités ont déjà parlé, mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg. La majeure partie de ces femmes travaillent dans de petites entreprises et sont contraintes de fréquenter leur patron chaque jour. Peut-être que le mouvement #MeToo aura une influence sur l’accueil qui sera réservé à ce film, mais mes amies féministes et moi sommes prêtes à lutter contre les abus sexuels pendant encore de nombreuses années. »

Michal Aviad.

Working Woman, de Michal Aviad, en salle le 8 mai 2019.

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