« Le cercle de la Rose Blanche » : une jeunesse résistante à Munich…

C’est l’histoire d’un combat que d’aucuns donneraient d’avance comme inutile et voué à l’échec. Le combat d’une rose blanche contre une croix, gammée.

L’inutile lutte de la douceur duveteuse des pétales contre la rugosité martiale du métal sombre. Le blanc contre le noir, l’espoir contre la haine, la lumière face aux ténèbres.

Natalya Petrovitch est à peine âgée de seize ans le 9 novembre 1938 lorsque le Reichstag est en flammes. Si elle et ses parents viennent de Léningrad, et qu’ils ont fui la Russie en 1929 face aux pogroms staliniens, elle est néanmoins citoyenne allemande et vit à Munich depuis l’enfance. Elle va même devenir infirmière bénévole pour le compte de l’armée allemande lors de la campagne de Russie. C’est là qu’elle va assister à une exécution sommaire qui va la bouleverser.

Natalya fait partie de ces allemands ordinaires qui, en 1939, n’étaient pas nazis et observaient la situation avec étonnement.

D’une certaine manière, sa famille et elle-même ne peuvent être totalement intégrés, en raison de leurs origines. Et puis, ce qui se produit autour d’elle, la traumatise profondément.

« Nous n’étions pas d’accord avec les lois et les doctrines du Reich. Nous ne nous étions pas forgé ce point de vue un jour particulier, mais la propagande à la radio et dans les journaux contrôlés par l’Etat, les hommes qui partaient pour la guerre et ne revenaient jamais, le rationnement, la tension grandissante dans l’air nous avaient permis d’arriver à cette conclusion. »

Extrait du « Cercle de la Rose Blanche »

Et la conclusion, c’est qu’il faut résister. Mais résister pourquoi ? Mais résister comment ? « Pourquoi est-ce que je fais cela ? […] J’espérais que ma petite contribution pourrait arracher le monde à l’enfer dans lequel il a sombré. »

La résistance est un chemin douloureux. Elle est d’abord prudente, sournoise, silencieuse. Résister n’est pas se livrer à des actes héroïques et spectaculaires, mais rédiger des tracts, trouver le moyen de les imprimer, de les diffuser. Se fondre dans l’ombre sans se faire repérer. Quelque chose de terriblement dangereux et, pourtant, terriblement désespérant.

« Comment pouvais-je rédiger un tract qui changerait la façon de penser des gens ? » Natalya découvre tout à la fois l’impuissance fondamentale et la force de la plume contre les canons, des mots contre les bombes, du murmure contre les cris de haine. Par l’intermédiaire d’amis étudiants, elle devient membre de la Rose Blanche, une organisation sans chef et sans structure, une bande d’amis qui n’avaient en commun que leur idéal anti nazis, des copains réunis par la conviction qu’il fallait tenter, coute que coute, de s’opposer au nazisme, et que chaque pas, aussi minime soit-il, serait un pas de plus vers la libération.

Ce roman est le récit de cette résistance d’une rose face à la croix gammée. L’histoire de cette toute jeune femme, Natalya Petrovitch, qui tenta de conserver un idéal au milieu de la tempête brutale de la folie nazie.

Le roman comporte deux parties, la Rose Blanche et Des traitres, comme les deux pentes d’un même montagne périlleuse à franchir, l’adret et l’ubac d’une période historique sombre. D’abord la résistance passive et quotidienne : la peur, l’angoisse, la paranoïa systématique devant la moindre rencontre, le moindre échange, le moindre mot prononcé, même tout bas, même tout seul. Puis la résistance active : l’incarcération, la torture, l’effroi, la mort permanente à l’aguet chaque matin.

Tout est vu à hauteur de femme, avec très peu d’éléments de contexte si ce ne sont quelques bribes découvertes sur les journaux ou à la radio, parfois de simples éléments de propagande ou des rumeurs.

Mais l’Histoire, parfois, se vit aussi dans les chairs. Et l’on n’a pas le temps de savoir, de comprendre, d’analyser quand on a peur.

Chemin faisant, elle va croiser sur sa route Garrick Adler, un garçon en apparence sympathique – qui plus est très beau -, et visiblement attiré par Natalya qui manque de lui céder. Garrick Adler est l’incarnation de l’attirance nazie, de cette allure martiale qui peut séduire les faibles et leur faire croire à un avenir simplifié. Garrick Adler est le symbole de la fascination exercée par les idéaux d’extrême droite. Et il faut bien du cœur et de l’intelligence à Natalya pour résister à son charme.

Ce roman possède l’indéniable qualité d’évoquer de manière précise et intime le quotidien de ces allemands qui résistèrent de l’intérieur, qui refusèrent l’ordre nazi et ses horreurs. Si le personnage de Natalya est fictif, en revanche la Rose Blanche exista belle et bien, elle tenta modestement de participer à la victoire des Alliés et, parmi les personnages secondaires du livre, un certain nombre sont parfaitement historiques et méritaient amplement cet hommage romanesque : Sophie Scholl, Hans Scholl, Christoph Probst, Alexander Schmorell, Willy, etc.

Le cercle de la Rose Blanche : l’histoire d’une jeune fille qui ne voulait pas vivre dans un pays où il est interdit d’écouter Mahler, Mendelssohn ou du jazz américain.

Le cercle de la Rose Blanche, de V. S. Alexander, aux éditions City. 400 pages. 20,90€.

Si vous désirez aller plus loin :

Rose Blanche, de Inge Scholl, aux éditions de Minuit. 156 pages. 6,90€.

Et pour la jeunesse :

Mon amie Sophie Scholl, de Paule du Bouchet, aux éditions Gallimard Jeunesse. 144 pages. 5,90€.
La Rose Blanche. Des étudiants contre Hitler, de Beniamino Delvecchio, Francesco Rizzato et Jean-François Vivier aux éditions Plein Vent. 48 pages. 14,90€.
Femmes en Résistance. Sophie Scholl, ouvrage collectif, aux éditions Casterman. 66 pages. 14,50€.

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