« L’odyssée du Peuple Juif » : l’hommage de Marek Halter à son peuple

Dans L’odyssée du Peuple Juif — et c’est bien d’une odyssée dont il s’agit lorsque l’on évoque le destin millénaire du Peuple Juif —, Marek Halter met en lumière près de quatre mille ans d’histoire.

Revenant brièvement sur son propre parcours, comme pour poser les bases du récit à venir, il se souvient de son enfance et de sa jeunesse en Pologne, de la fuite avec ses parents en Ouzbékistan via l’Union Soviétique, puis l’arrivée à Paris en 1950 où il fera ses premiers pas dans le monde de la peinture et de la pantomime, jusqu’à l’obtention de la nationalité française en 1980 grâce à Simone Veil.

Il narre sa propre histoire avec une modestie, une sorte d’incompréhension qui pourrait presque être le résultat d’une erreur.

Tandis qu’enfant, il découvre les origines de la Genèse, premier des cinq Livres de la Bible, et les histoires d’Abraham et de Sarah dans les Contes Bibliques, un livre illustré pour enfants offert par son grand-père, Moïse et l’épisode de la sortie d’Egypte lui seront révélés dans la haggadah, récit lu aux soirs de la fête de Pessa’h.

En plus de revenir sur les moments emblématiques de la Bible, il revient sur l’origine de certains noms des principaux personnages, comme celui de Sarah, signifiant « jeune princesse » en sumérien, celui d’Yitzhak, « il rira », car en apprenant qu’elle attendait un enfants, Sarah, stérile, il aurait ri, ou encore Gershom, premier fils de Moïse et de Tsippora signifiant « j’habite un pays étranger ». Une situation que les Juifs n’oublieront jamais.

Si le Peuple Juif eut trois pères fondateurs — les Patriarches Abraham, Isaac et Jacob —, la nation juive, elle, fut forgée par trois monarques.

Le roi Saül d’abord, un ancien berger, puis David, et surtout Salomon, le roi-bâtisseur qui réalisera le rêve de son père en dressant à Jérusalem un Temple pour y abriter les Tables de la Loi. Instituée par Ezra, la lecture des Livres de Moïse effacera le culte sacrificiel pour céder la place à l’étude et à la connaissance des Textes.

Décomposée en brefs chapitres, c’est à la fois l’histoire biblique qui nous est contée, et parallèlement celle de la Terre d’Israël, indissociable de celle du Peuple Juif. Conquise et détruite un nombre incalculable de fois, terre de toutes les religions, l’auteur ne fait évidemment pas l’impasse sur le schisme au sein du judaïsme qu’a représentée la naissance de Jésus, et sa crucifixion, ni sur « l’invention » de la Palestine par l’empereur Hadrien, effaçant Israël des cartes du monde en représailles à la révolte juive de 135.

La seconde partie de l’ouvrage revient sur les origines des Juifs en France, leur installation, sous le règne de César, dans la vallée du Rhin, et implicitement sur l’apparition du yiddish, langue née non pas pour communiquer, mais pour résister et se protéger des populations hostiles.

Au gré des événements politico-religieux qu’étaient les croisades, les communautés juives gagnent petit à petit les pays de l’Est, où elles s’installent durablement. Le Yiddishland n’allait pas tarder à naître…

De l’expulsion des Juifs d’Angleterre en 1290 ou d’Espagne en 1492 par Isabelle la Catholique, en passant par l’affaire Dreyfus et le premier congrès sioniste de Bâle, les persécutions staliniennes et la création de l’Etat Juif du Birobidjan, l’Allemagne nazie, le ghetto de Varsovie, la résistance par la parole, le témoignage, puis par les armes, l’Exodus et la création de l’Etat d’Israël en 1948, ses guerres successives — guerre d’Indépendance, guerre des Six Jours, du Kippour, du Golfe ou du Liban —, avec pour conséquence l’inévitable disparition des communautés juives du Maghreb, jusqu’à l’émouvante opération Salomon de 1991, et le rapatriement en dix jours de 14.200 Juifs éthiopiens, appelés Falashas, cette seconde partie, intitulée L’an prochain à Jérusalem, lumières, destruction, renaissance met en avant — sans toutefois y apporter de réponse — l’incompréhensible et permanent rejet dont ont été, et sont toujours victimes les Juifs à-travers le monde.

Comme pour dédramatiser cette pâle analyse, une parenthèse de quelques lignes est accordée à l’humour Juif. Une autre manière de résister et d’échapper à la fois à la pitié, et à la haine.

Finalement, la troisième et dernière partie traite de la diaspora, des communautés italiennes, néerlandaises, américaines, indiennes ou même chinoises et japonaises, ainsi que des différences entre les divers courants religieux que sont le judaïsme réformé, conservateur, orthodoxe ou Loubavitch.

Pour conclure et enrichir l’ensemble de ce passionnant voyage, une chronologie de huit pages, s’étalant de 1925 av. J.C. à 2009, et l’arrivée au pouvoir de Benjamin Netanyahou, complète cet ouvrage à mettre en toutes les mains.

L’Odyssée du peuple Juif, de Marek Halter, collection Librio. 190 pages. 5.00€.

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