« L’aventure Champollion » : focus sur l’homme qui déchiffra les hiéroglyphes…

Étrange destin que celui de Jean-François Champollion, de nos jours mondialement connu pour avoir été l’homme qui déchiffra les hiéroglyphes, et considéré comme le type même du savant génial.

Lorsqu’il nait, en 1790 à Figeac, dernier enfant d’une longue fratrie, rien, à priori, n’annonce qu’il va connaître un destin exceptionnel. Enfant de la fange, il naît à la Science très tôt grâce à la protection de son grand frère, Jacques-Joseph, dit « Champollion-Figeac ».

C’est ce grand-frère qui va pratiquement l’élever et compenser les lacunes familiales. Jean-François, longtemps surnommé « Champollion le Jeune », a appris à lire tout seul, et il n’est pas très doué pour les mathématiques. Le grand frère l’initie, et c’est même lui qui, par la suite, va lui faire découvrir la fameuse et primordiale Pierre de Rosette. Cette pierre, découverte en 1799, écrite à la fois en hiéroglyphes, en copte et en grec va permettre l’avancée de tous les travaux de déchiffrement.

Cette pierre, Jean-François Champollion ne la verra jamais. Elle appartient aux anglais, qui la conservent jalousement, de nos jours encore. 

Il ne disposera que des estampages réalisés par les savants français, ainsi que des hypothèses émises par les quelques spécialistes de la question : celle du  jésuite Kircher, qui avait pressenti au XVIIè siècle la parenté possible entre le copte et l’égyptien ; celle de l’abbé Barthélemy qui, au milieu du XVIIIè siècle, suggérait d’utiliser la mention des noms propres de pharaons entourés d’une boucle tressée qu’il nommait un cartouche…

Lorsque Jean-François Champollion se pique d’intérêt pour les langues anciennes — et particulièrement pour la langue de l’ancienne Egypte —, il est presque seul dans le domaine. Cette langue égyptienne, plus personne ne la lit ni ne la  parle depuis 1.500 ans, et on a même tendance à la considérer comme un canular, ainsi que le présente Gustave Flaubert dans son Dictionnaire des idées reçues. Vouloir déchiffrer les hiéroglyphes antiques revient à peu près, de nos jours, à soutenir une thèse d’état sur les cratères ignorés d’Alpha du Centaure. Même si, bien sûr, l’Égypte commence à être mieux connue en France grâce à l’expédition militaire de Bonaparte à la fin du XVIIIè siècle.

Et c’est, sans doute, l’une des rares  conséquences heureuses de la colonisation et des volontés hégémoniques de l’ogre corse. Néanmoins, le tout jeune Champollion va faire preuve tout à la fois d’obstination, de volonté et de méticulosité.

A quatorze ans, s’appuyant sur les rares documents découverts, les récits de voyages et les descriptions de géographes, et en compilant les manuscrits coptes de la bibliothèque, Jean-François Champollion redessine la carte du Delta du Nil.

A dix-neuf ans, il comprend que le copte est une forme tardive de l’égyptien ancien. « Je parle copte tout seul » écrit-il à son frère. Et il se met alors à rédiger des listes interminables d’éléments de nature, d’animaux, de plantes… Il met par écrit l’Univers en traduisant l’Egyptien en copte, et le copte en français.

A trente-deux ans enfin, il publie sa fameuse « Lettre à Monsieur Dacier », secrétaire perpétuel de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Il est parvenu à déchiffrer les hiéroglyphes de l’ancienne Egypte !

Il va consacrer le reste de sa courte vie à rédiger d’énormes volumes de traductions jusqu’à sa grammaire de « l’écriture sacrée égyptienne ».

Au cours de son étude, il fera preuve de belles intuitions, telle celle selon laquelle, dans l’Egypte antique, il n’existait pas d’activité artistique au sens moderne du terme mais seulement la mise en forme esthétique d’objets parfaitement utilitaires dont le texte révèle l’importance. L’écrit n’existe que pour dire ce qui est masqué à la vue, à la façon d’une étiquette.

Et ce n’est pas l’un des moindres paradoxes de l’Histoire : Jean-François Champollion qui consacra la presque totalité de son existence à l’Egypte antique, devra attendre 1828, soit quatre ans avant sa mort, pour voyager enfin au pays des pharaons.

Cette belle exposition nous permet d’apprécier le labeur prodigieux qui consiste à vouloir comprendre et traduire une écriture qui n’est ni sonore ni symbolique, mais tour à tour l’un ou l’autre, et se lit de gauche à droite, ou bien de droite à gauche, et de haut en bas, ou bien de bas en haut.

Un certain nombre d’écrans tactiles et ludiques sont disposés sur le parcours, et ils demeurent suffisamment puérils pour ne pas vexer le scepticisme du visiteur profane : n’est pas Champollion qui veut !

A peine pourrait-on reprocher, peut-être, à l’exposition d’avoir cherché à ratisser très largement le terrain de l’égyptomanie, jusqu’à la bande dessinée ou les lego. On reste par moments, franchement éblouis par quelques magnifiques exemplaires de manuscrits sur papyrus dont les dessins et les couleurs ont conservé une fraicheur digne des plus délicates de nos bandes dessinées modernes.

Ce sont trois mille ans d’Histoire qui nous sont donnés au grand jour.

L’aventure Champollion. Dans le secret des hiéroglyphes, actuellement et jusqu’au 24 juillet à la Bibliothèque Nationale de France.

Si vous désirez aller plus loin :

Musée Champollion. Aux origines de l’égyptologie, ouvrage collectif aux éditions Beaux Arts. 44 pages. 9,00€.
L’aventure du déchiffrement des hiéroglyphes. Correspondances, de Jean-François et Jean-Joseph Champollion, aux éditions Belles Lettres. 193 pages. 21,00€.
Champollion, le savant déchiffré, d’Alain Faure, aux éditions Fayard. 864 pages. 32,00€.

Et pour la jeunesse :

Champollion, le champion des hiéroglyphes, ouvrage collectif aux éditions Glénat Jeunesse. 52 pages. 10,00.
Champollion et le secret des hiéroglyphes, ouvrage collectif aux éditions Glénat BD. 48 pages. 12,25.
Écris comme un égyptien, de Viviane Koenig et Eléonore Della Malva, aux éditions Larousse. 80 pages. 15,95.

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