« Gaza mon amour » : quand Apollon prend toute sa place dans le film des frères Nasser

Une histoire d’amour à Gaza, avouons que le thème est pour le moins inhabituel. Et plus encore lorsque cette histoire d’amour se noue entre deux quinquagénaires, aussi maladroits que touchants.

C’est pourtant le pari qu’ont pris les deux frères Tarzan et Arab Nasser avec leur dernier film, Gaza mon amour.

Dans l’enclave palestinienne, on ne trouve ni cinéma, ni parc ou autres lieux propices à une rencontre entre deux jeunes amoureux. Il faut faire preuve de beaucoup d’inventivité et de stratagème pour séduire, faire connaissance, sortir dîner peut-être…

Siham est couturière dans une boutique pour femmes, et vit seule avec sa fille récemment divorcée. Une fille qui l’aide régulièrement à honorer les commandes du magasin.

Issa lui est pêcheur. Chaque soir, il quitte le port de Gaza et prend le large” pour ramener quelques kilos de poisson qu’il vend ensuite sur le marché.

Ces deux-là se sont déjà remarqués, et Siham devine les tentatives désespérées d’Issa pour l’approcher, engager la conversation avec des banalités maladroites. Jusqu’au jour où Issa, tellement parfumé  “qu’on ne sent même plus le falafel”, entre dans la boutique de vêtements pour femmes et demande à Siham des ourlets pour son pantalon. À défaut de connaître la taille exacte des retouches, il récupère quelques jours plus tard des pantalons qui lui arrivent à mi-mollet. Mais qu’importe, l’essentiel n’est pas là.

« Les personnages âgés sont intéressants. Ils ont du vécu, de l’expérience. Malgré tout ce qu’il a connu dans sa vie, Issa a toujours le cœur qui bat. […] Quant à l’histoire d’amour, nous n’avons pas voulu reprendre le cliché selon lequel l’amour est réservé aux jeunes. Non, les quinquagénaires sont aussi capables d’aimer, peut-être même mieux que les jeunes. »

Tarzan et Arab Nasser, réalisateurs.

Mais une nuit, tout va basculer dans la vie du paisible Issa. Parti en mer, il remonte dans ses filets une antique statue en bronze du dieu Apollon. Un bien encombrant chargement à ramener à terre, mais la valeur marchande d’une telle œuvre doit sans doute valoir la peine de jouer avec les limites de la légalité.

La statue dissimulée sous des bacs et des couvertures, c’est avec des airs de coupable parfait qu’Issa rentre au port, passe les contrôles, et installe l’Apollon chez lui, au pied de son lit. 

Mais dans ce minuscule territoire, un tel secret ne saurait tenir bien longtemps. En voulant faire expertiser chez un bijoutier l’attribut viril du dieu grec — qu’il a malencontreusement brisé en le déplaçant —, Issa s’entend dire que « cela ne vaut rien. Un avis bien peu crédible alors que dans le même temps, le marchand est prêt à lui en donner un bon prix.

Quelques heures plus tard, c’est la police qui débarque au domicile d’Issa. Une perquisition qui débouche sur l’arrestation et la garde à vue du malheureux pêcheur pour « détention illégale d’antiquité ».

Sous de nombreux aspects, Gaza mon amour n’est pas sans rappeler une autre comédie romantique, israélienne celle-ci, Le cochon de Gaza. Dans les deux films, on peut retrouver ce héros simplet et attachant, chargé d’une tare bien encombrante dont il ne sait que faire, mais qu’il faut dissimuler à tout prix ; pour l’un c’est un porc, animal impur, pour l’autre une statue d’un dieu grec, symbole du pêché. 

Si l’histoire ne le dit pas, il est fort à parier que la statue disparaîtra de l’inexistant paysage culturel et artistique de Gaza, comme ce fut le cas en 2013 lorsque que l’Apollon de Gaza — le vrai cette fois-ci, celui dont le film s’est inspiré —, a été repêché en mer et a depuis totalement disparu.

Avec Gaza mon amour, Tarzan et Arab Nasser ont voulu montrer un quotidien que les étrangers ne connaissent pas, « sans transformer la réalité en plus belle ou plus laide qu’elle ne l’est ». Ils ont souhaité projeter sur grand écran une image du peuple gazaoui en tant qu’êtres humains et non victimes. 

Dans les rôles principaux, on retrouve avec plaisir le visage bien connu de la comédienne Hiam Abbass, déjà vue entre autres dans Les hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman, Les citronniers et La fiancée syrienne d’Eran Riklis, ou encore Munich de Steven Spielberg, pour n’en citer que quatre. Quant à Salim Daw, son partenaire à l’écran, il est lui aussi un habitué du cinéma israélien avec des rôles dans les séries Fauda et Hatufim, The dead of Jaffa de Ram Loevy, Une histoire du cinéma israélien de Raphaël Nadjari… 

On sera surpris du sujet traité, mais c’est l’espoir et l’amour qu’ont voulu montrer les réalisateurs. Et on appréciera aussi l’absence presque totale de politique ; certes, des scènes et des allusions renvoient au conflit israélo-palestinien, mais sans jamais l’évoquer clairement.

Gaza mon amour, de Tarzan et Arab Nasser, en salle le 6 octobre 2021. 

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