« Damien Hirst » : des cerisiers en fleurs à la Fondation Cartier…

Impossible de ne pas songer à Monet, tant il s’agit ici tout à la fois d’un hommage et d’un travail décalé sur les célèbres Nymphéas. Mais où l’un ne se réjouissait que de l’élément liquide, l’autre, Damien Hirst, joue à ciel, branches, feuilles, fleurs.

Qui n’a jamais ressenti cette intense bouffée d’émotion en contemplant des cerisiers en fleurs comme, par exemple, les deux splendides cerisiers du Japon dans les allées du jardin des Plantes à Paris ? Pas seulement parce qu’un tel paysage procure une sorte d’idée de la beauté mais aussi par tout ce qu’il symbolise de printemps, de renaissance, de vie, de fragilité. Tout Botticelli revu et corrigé par dame Nature. On dirait bien que Damien Hirst est parti du même constat d’évidence : la beauté de la nature.

Les trente toiles de l’exposition sont quasiment toutes au format portrait, un rectangle vertical, comme si Damien Hirst s’était donné pour tâche une sorte de paradoxe : faire le portrait du paysage.

Car, bien entendu, la thématique même de l’exposition renvoie à la grande peinture de paysage : celle de l’art japonais ; celle, académique, des 18ème et 20ème siècles ; celle, plus audacieuse, des impressionnistes et des nabis. A la différence qu’il s’agit-là d’un jeu : aucun désir de naturalisme, de ressemblance, de réalisme au sens plat du terme, mais l’envie avouée de procurer un sentiment d’enivrement de la vue et des sens.

C’est à une expérience sensorielle que nous convie l’artiste : au fur et à mesure des quatre salles, on entre dans un projet, dans un désir, dans un monde.

Il s’agit d’un voyage de l’œil, voyage dans la force du coloris et la permanence de la beauté naturelle. Nous sommes plongés au cœur d’un voyage initiatique auquel nous aurait convié un Jackson Pollock embarqué du côté du Japon ou de l’ailleurs.

Et, durant ce voyage, Hirst, en grand facétieux faiseur de miracles, brouille les pistes et les repères : on n’est jamais exactement dans le « nommable » et l’évident, mais toujours ailleurs. Entre l’abstrait et le figuratif, entre le classique et le moderne, entre l’Orient et l’Occident, entre le portrait et le paysage, entre l’art et la vie, entre le réel et l’artifice…

On voyage également dans quelque chose qui est de l’ordre de la mathématique et de la combinatoire : les branches brutes cheminent à leur gré sur l’espace des toiles, tandis que des couleurs élémentaires sont projetées en aplats épais, donnant ainsi le sentiment de la force et du relief.

Cette exposition possède quelque chose de la transe ou de l’hypnose.

On y est drogué de couleurs et enivré d’un vin d’apparences. Damien Hirst produit quelque chose d’une poésie pour l’œil. On voudrait, devant ses toiles, que tout le monde se taise, que l’univers fasse silence. Silence devant cette autre réalité colorée que forment les cerisiers en fleurs.

Damien Hirst. Cerisiers en fleurs, jusqu’au 2 janvier 2022 à la Fondation Cartier pour l’art contemporain.

Si vous désirez aller plus loin :

Damien Hirst. Cerisiers en fleurs, ouvrage collectif, aux éditions Fondation Cartier. 414 pages. 72,00€.

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