« Le regard de Charles » : Charles Aznavour par lui-même…

Le 1er octobre 2018, celui qui chantait « Je ne ferais pas mes adieux » s’est pourtant éteint, laissant derrière lui une carrière musicale exceptionnelle : 91 albums studio, et plus de 1.300 titres composés pour lui-même ou pour les plus grands noms de la chanson française, d’Edith Piaf à Gilbert Becaud, de Serge Gainsbourg à Johnny Hallyday…

Un palmarès unique dans l’histoire et le patrimoine culturel français.

Secrétaire, chauffeur et confident de « la Môme » durant huit ans, Edith Piaf offrira en 1948 sa première caméra à Charles Aznavour. Il ne la quittera plus. 

Londres, Hong Kong, Abidjan, La Paz, New York, Tokyo, Venise, Moscou, l’Arménie… En Super 8 ou en 16 millimètres, il va faire de sa vie un film.

De galas en voyages privés, de moments de bonheur en déchirures, on y découvre un homme sensible et acharné par le travail, finalement assez peu différent de l’artiste qui s’est offert au public pendant plus de sept décennies.

« Quels sont mes handicaps ? Ma voix, ma taille, mes gestes, mon manque de culture et d’instruction, ma franchise, mon manque de personnalité. Ma voix ? Impossible de la changer. Les professeurs que j’ai consultés sont catégoriques : ils m’ont déconseillé de chanter. Je chanterai pourtant, quitte à m’en déchirer la glotte. D’une petite dixième, je peux obtenir une étendue de près de trois octaves. Je peux avoir les possibilités d’un chanteur classique, malgré le brouillard qui voile mon timbre […] »

Charles Aznavour.

Ce fils d’immigrés arméniens, dont la la quasi-totalité de la famille fut massacrée en 1917, n’a jamais oublié d’où il venait. Il évoque sans pudeur mais avec émotion son enfance à Paris, et le souvenir omniprésent de ce père qui travaillait dur pour subvenir aux besoins de sa famille. Sans doute la raison pour laquelle il accorde une place importante aux « gens du peuple et aux travailleurs » dans les séquences qu’il immortalise. Misha et Knar Aznavourian, modestes et courageux, ne vont pas hésiter, lors de l’Occupation, à cacher des arméniens et des Juifs dans leur appartement parisien de la rue Navarin, dont le résistant Missak Manouchian et son épouse. Ces deux peuples savent malheureusement ce qu’est un génocide. 

« Chez nous, quand j’étais jeune, l’amour remplaçait le confort. »

Charles Aznavour.

Il lui faudra cependant attendre quarante ans avant de retourner à ses racines, sur la terre de ses ancêtres. Des liens indéfectibles, tout comme ceux qui le lient à Israël et à Jérusalem, où il se rendra à de très nombreuses reprises. En 1949, quelques mois après l’Indépendance de l’Etat d’Israël, il sera le premier artiste français à se produire à Tel Aviv, dans des cabarets.

« Nous avons tant de choses en commun, les Juifs et les Arméniens, dans le malheur, dans le bonheur, dans le travail, dans la musique, dans les arts. »

Charles Aznavour.

Malgré de belles prestations au grand écran, notamment dans Un taxi pour Tobrouk, dans lequel il interprète Samuel Goldmann aux côtés de Lino Ventura, Charles Aznavour sera toujours considéré comme un auteur et un interprète plus que comme un acteur. Et lorsque lui vint le désir de se lancer dans la réalisation pour le film Yiddish Connection, avec Ugo Tognazzi, il n’obtiendra pas l’appui des producteurs de l’époque, qui décideront de ne pas le suivre sur ce projet. Il occupera cependant un rôle dans le film, celui d’Aaron Rapaport, mais sous la direction de Paul Boujenah…

Pour réaliser Le regard de Charles, le réalisateur Marc di Domenico a visionné plus de quarante heures de rush filmés par Charles Aznavour lui-même, pour finalement n’en garder qu’une heure trente. Quelques images d’archives de l’ORTF ou de Gaumont enrichissent le documentaire, mais il est bien entendu porté par les émouvantes et intimes séquences au cours desquelles il croise toutes les vedettes de l’époque, Edith Piaf évidemment, mais aussi Dalida, Françoise Sagan, François Truffaut, Johnny Hallyday, Catherine Deneuve, Robert Hossein, Nicoletta, son ami Barbra Streisand, « la petite juive de New York » comme il l’appelle, Nina Simone, Ray Charles… 

Si Marc di Domenico a axé axé son choix sur des séquences présentant la face la moins connue de l’artiste, Le regard de Charles reste cependant fidèle à l’homme que nous connaissons tous.

Un bel et touchant hommage.

Le regard de Charles, de Marc di Domenico, en salle le 2 octobre 2019.

Si vous désirez aller plus loin :

Retiens la vie, de Charles Aznavour, aux éditions Points. 168 pages. 6,00€.
Charles Aznavour, de Pascal Louvrier, aux éditions GM. 48 pages. 19,90€.

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