« Les contes étranges de N. H. Jacobsen » : plongez dans les légendes scandinaves !

Tout aussi bien, au musée Bourdelle, on irait pour prendre le soleil dans le jardin parsemé de géants de bronze taciturnes et énigmatiques. Mais voilà qu’il nous propose une étonnante exposition aux allures d’exotisme scandinave.

Niels Hansen Jacobsen était danois et ça le poursuivra sa vie durant, dans ses thèmes et sa symbolique. Même si, tout juste passé la trentaine, il vient s’installer à Paris, carrefour incontournable des arts à l’époque, avec sa jeune épouse qui avait failli enseigner le français à Copenhague.

Dans la capitale française, il rencontre Bourdelle et Carriès, qui eurent sur lui une influence immédiate, au moins en ce qui concerne les techniques. Un portrait de lui, réalisé par l’un de ses proches à cette époque, le montre résolu, affirmé, le poing gauche levé comme dans un mouvement de défi, et le regard dur, précis, intense. ce qui frappe immédiatement, dans la plus grande partie de sa statuaire, ce sont les regards. Comme si l’être de plâtre ou de bronze fixait le spectateur en lui intimant l’ordre de craindre pour lui-même.

Ainsi, l’œuvre majeure Troll qui flaire la chair de chrétiens, manifeste artistique réalisé en 1898, attire et fascine par l’éclat dur du regard porté vers l’avant, et qui semble prolonger encore l’intensité du mouvement, bras droit allongé, paume démesurément ouverte, comme prête à frapper, tout le corps devenu longue liane de muscles tendus par l’effort et la volonté. Et ce regard de ferveur, on le retrouve encore lorsqu’il réalise son autoportrait, et le portrait de son épouse Anna Gabrielle Rohde, les deux en masques, comme si l’artiste arrachait la chair des visages en faisant acte de création.

Très tôt, dans sa démarche artistique et personnelle, Niels Hansen va considérer que l’art est, d’abord et avant tout, un moyen d’améliorer la réalité et non pas de la singer.

C’est pourquoi chez lui, conformément à cet art dit « nouveau » qui émerge à l’époque, la femme se fait fleur, le corps se fait arbre et les pieds sont des racines. Sa « petite sirène », illustration de son compatriote Andersen, est tout autant femme que poisson, algues que flots. Elle est la mer tout entière, au moins autant que le personnage…

Son besoin d’expérimentation technique va le pousser à s’essayer, avec succès, au gré émaillé, sous l’influence heureuse de Carriès : objets, bustes, masques, sculptures, choses diverses, tentatives variées. Il recherche et manipule la matière et les couleurs, comme pour donner de la chair, de l’épaisseur et de la vivacité à ses rêves. Tout ceci dans un matériau infiniment plus fragile et délicat que le bronze des premières années.

Jacobsen aimait le feu, et le feu le lui rendait bien !

Niels Hansen Jacobsen était danois, et il explorera pas à pas la tradition scandinave, revisitant la sirène, les monstres, les légendes qu’il va indéfiniment travailler, moderniser, épurer pour, finalement, dans une sorte d’universalité des thèmes, rejoindre les fantasmes d’Odilon Redon ou de Gustave Moreau, le travail de Gauguin et les rêves faits marbres d’Antoine Bourdelle.

De ce labeur aussi titanesque qu’onirique, la réalité lui en sera amèrement gré : il avait demandé à son épouse Anna de prendre la pose de la femme recroquevillée sur elle-même, terrassée, anéantie par la mort pour son œuvre La mère et la mort et, quelques brèves années plus tard, cette dernière va décéder. Comme si l’art dévorait la vie.

Niels Hansen Jacobsen était danois, et ça le poursuivra !

Les contes étranges de N. H. Jacobsen, jusqu’au 26 juillet 2020 au musée Bourdelle.

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