« Les gardiens du Temple » : un non-Juif au service de la renaissance de Kazimierz…

Janusz Makusz était encore très jeune, à peine vingt-neuf ans, en 1980, lorsqu’un soir de shabbat, il se présenta à l’entrée de la vieille synagogue de Kazimierz, l’ancien quartier juif de Cracovie.

Un grand juif borgne lui ouvrit la porte et s’adressa à lui en yiddish, langue que ne possédait pas Janusz qui demanda à entrer.

Janusz Makusz n’est pas juif, il n’était jamais entré dans une synagogue jusqu’à ce jour, et, d’une certaine façon, il n’est plus ressorti de celle-ci. Kazimierz est l’un des quartiers de sa ville, Cracovie, et il était plus ou moins à l’abandon. La synagogue, elle-même ferma vers 1983, parce que plus personne ne la fréquentait.

Alors, mu par on ne sait quel besoin de faire renaître des traditions, Janusz Makusz se lança dans une grande aventure : organiser chaque année un festival culturel juif dans l’enceinte de la vieille synagogue et dans les rues avoisinantes.

Ce film documentaire est, pour l’essentiel, l’histoire de ce festival : sa raison d’être, son déroulement, ceux qui le font vivre, ceux qui l’animent…

En 2019 avait lieu la vingt-neuvième édition de ce festival qui réunit des volontaires du monde entier pour encadrer, accueillir les musiciens, chanteurs, comédiens, artistes de la diaspora juive ou venu directement d’Israël.

Le but du festival, de l’aveu même de son organisateur, n’est pas de célébrer la mort, mais au contraire de célébrer la vie. Ce n’est pas de reprendre des traditions disparues, c’est de montrer la vitalité des cultures juives, leur force, leur énergie, leur diversité.

Janusz a réussi cet exploit de créer et faire vivre « un festival culturel juif organisé par un non-juif dans l’ombre d’Auschwitz Birkenau ».

Certes, on n’oublie jamais ce qui s’est produit durant la période noire de la Seconde guerre mondiale ; certes cette terre, la Pologne, est « terre de Shoah », mais ce que les artistes réunis parviennent à faire, c’est une prière à « l’izkor », une prière qui sanctifie la vie. Le devoir de Mémoire existe, il est nécessaire et louable, mais le devoir de vie existe aussi : et célébrer la vie, c’est dire à tous les racistes et les antisémites — ceux d’hier comme ceux d’aujourd’hui — que la vie culturelle juive existe et existera à jamais, quels que soient les obstacles, quelles que soient les négations, quelles que soient les malédictions.

Janusz Makusz ne s’est jamais converti au judaïsme. Il y a songé, il y a réfléchi, mais il a pensé que ce n’était pas utile. Lui, le polonais, profondément épris de la culture juive, a consacré sa volonté et son énergie à défendre sa passion et ses convictions. Et c’est encore plus beau ainsi : ne rien avoir à prouver, se contenter d’éprouver.

Les gardiens du Temple, de Rudy Saada et Anthony Lesme.

Si vous désirez aller plus loin :

Le devoir de Mémoire, de Johann Michel, aux éditions PUF. 128 pages. 9,00€.
Être juif en Pologne. Mille ans d’histoire, du Moyen Age à 1939, de Daniel Tollet, aux éditions Albin Michel. 336 pages. 12,20€.
La fin de l’innocence : la Pologne face à son passé juif, de Jean-Yves Potel, aux éditions Autrement. 284 pages. 23,00€.
Le livre noir des Juifs de Pologne, de Jacob Apenszlak, aux éditions Calmann-Lévy. 384 pages. 31,10€.

Et pour la jeunesse :

La Shoah, des origines aux récits des survivants, de Philip Steele, aux éditions Gallimard Jeunesse. 96 pages. 19,95€.
Auschwitz, l’histoire d’un camp d’extermination nazi, de Clive Lawton, aux éditions Gallimard Jeunesse. 48 pages. 14,00€.

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